Le bleu des abeilles, Laura Aloba

Le bleu des abeilles, Laura AlcobaLe bleu des abeilles, Laura Alcoba, Gallimard, paru le 29 Août 2013, 121 pages

Laura Alcoba, d’origine argentine, s’inspire de son vécu pour composer ce beau roman qui semble donner une suite à son premier roman : Manèges : petite histoire argentine où l’héroïne, âgée de huit ans parle de son quotidien fait de secrets et de fuites, entourée de ses parents révolutionnaires.

Mon résumé :

Dans Le bleu des abeilles, la narratrice a dix ans, au début du roman, elle vit encore en Argentine où, en vue de son départ imminent, elle reçoit des leçons de français de sa professeure particulière : Noémie qui lui décrit la France à travers son apprentissage de la langue. Quelque temps plus tard, la fillette arrive en France et ce n’est pas à Paris comme cela était prévu mais sa banlieue : le Blanc-Mesnil qui, selon elle, porte très mal son nom. Elle vit dans un appartement avec sa mère qui était installée avant elle et une autre femme : Amalia, ce qui permet de diviser le loyer par deux. En revanche, le père n’a pu les accompagner, il est emprisonné dans son pays. L’héroïne va entretenir une correspondance régulière avec lui mais obligatoirement dans leur langue natale, l’espagnol, sans quoi les lettres ne lui seraient pas remises.
Alcoba décrit l’envie et le besoin d’immersion de la fillette dans ce pays d’adoption qui l’émerveille ou l’interpelle grâce à son jeune âge et son caractère volontaire, par bien des aspects : la langue en elle-même (ces sons qu’elle doit placer juste sous le nez, ces « e » muets qui la fascinent, l’accent « français »  qu’elle veut s’efforcer de faire sien) ; les hivers froids qui déposent une particule féérique de givre sur les trottoirs, la décoration de l’appartement avec ses tapisseries « à tuyaux », les fromages français et l’appréhension du premier reblochon bien meilleur que ne le laissait supposer son odeur !…
La France lui apparaît finalement différente de celle qu’elle avait cru déceler à travers les manuels de langue de Noémie. La France ne se résume pas à Paris, la Tour Eiffel, les croissants et des petits Jean ou Catherine qui auraient un chien s’appelant nécessairement Médor !

Mon avis :

Grâce à la beauté et la maîtrise de cette langue française que l’auteure chérit et qui s’écoule avec la fluidité d’une eau de fontaine, le lecteur prendra plaisir  à lire ce court roman sur la volonté d’intégration d’une fillette dans un pays et une une culture aux antipodes de ce qu’elle connait. Arrivée dans un contexte délicat (son père emprisonné, sa mère déjà installée), elle conserve intacts sa curiosité et son enchantement à découvrir l’inconnu.
Et l’on ne peut que se réjouir de revoir à travers ses yeux d’enfant un pays qui est le nôtre et qui s’enrichit de toutes ces personnes venues d’ailleurs.

Un extrait où l’on se figure ce que peut être l’apprentissage du français :

   « Dès que je suis seule, pourtant, devant le miroir de la salle de bains, je m’entraîne à prononcer des mots compliqués, avec plein de r, des voyelles sous le nez, des g et des s entre deux voyelles, ceux qui grésillent et qui font comme des chatouilles au niveau du palais _ arrosoir, paresseuse, gélatine, raison, raisin, raisonne. Je m’entraîne aussi à prononcer à toute allure des mots avec des u _ tu, tordu, mordu, pointu _ et même des u tout seuls, de très longs uuu que je fais durer le plus longtemps possible, jusqu’à ce que je n’aie plus de souffle. Pour les u, du temps de mes cours à La Plata, Noémie m’avait donné une astuce : placer les lèvres comme si l’on voulait dire ou mais dire i. Tu verras, ça marche.
C’est vrai que ça marche. Il faut faire croire à ses lèvres qu’on va dire une chose et en dire une autre. Au début, c’est comme si on leur tendait un piège. Les premières fois, c’est vraiment étrange de découvrir qu’on peut les berner aussi facilement _ on est presque déçu que le piège à
u tienne ses promesses. Mais peu à peu les lèvres se laissent faire, elles apprennent à faire des u sans qu’on ait besoin de les prendre par la ruse. J’espère qu’un jour ça deviendra une habitude _  j’y arriverai. »

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