Repose-toi sur moi, Serge Joncour
Repose-toi sur moi, Serge Joncour paru chez Flammarion le 17 Août 2016, 426 pages.
Serge Joncour est un écrivain français, son lectorat le suit depuis un moment . Il a publié plusieurs ouvrages dont : L’écrivain national, L’idole, L’amour sans le faire, un très beau roman. Son dernier titre : Repose-toi sur moi vient de remporter le Prix Interallié 2016.
L’histoire de Repose-toi sur moi :
Ludovic a quitté sa campagne pour s’installer à Paris où il exerce un métier difficile et peu enviable, celui de recouvreur de dettes. Il vit seul et ne jouit pas d’une vie sociale riche. Aurore, quant à elle, est styliste, mère de famille et mariée à un homme brillant a priori davantage préoccupé par son activité que par sa femme, surtout quand elle rencontre des difficultés. Ils ont deux enfants. Quand elle croise son voisin Ludovic, Aurore est plutôt mal à l’aise, il lui est antipathique et elle ressent sa présence comme une menace. Sa carrure, peut-être et plus encore sa désinvolture concernant un problème qui l’affecte beaucoup, quant à elle. Depuis peu, Aurore a constaté l’intrusion de corbeaux dans la cour d’immeuble et cela lui déplaît profondément. Ludovic s’en moque. Tous les deux appartiennent à deux mondes opposés et pourtant cette histoire d’oiseaux va les faire se rencontrer et contre toute attente, se rapprocher peu à peu.
Ludovic semble fuir une vie passée qui lui convenait mieux mais qui a pris fin. Il n’est pas réellement adapté à son environnement actuel. Aurore aime son métier mais est sur le point de subir une sérieuse déconvenue qui va ébranler la stabilité de son petit univers.
Pourquoi j’ai aimé le dernier Serge Joncour :
C’est l’histoire de deux solitudes que Serge Joncour raconte avec brio. Deux êtres en-dehors… De leur famille, de la vie parisienne ou de leur travail et qui vont se percuter. Cette rencontre qui ne se présentait pas sous les meilleurs auspices, loin s’en faut, a la beauté de l’imprévu, de l’inédit pour ces deux êtres sincères et touchants. Avec une grande finesse d’écriture, Joncour renoue avec certaines des thématiques qui lui sont chères : la complexité du sentiment amoureux, les méandres du désir, la solitude et l’anonymat du monde moderne, l’opposition nature-campagne/ville. Deux beaux portraits humains portent ce grand livre en offrant des scènes d’une grande force stylistique (la présence des corbeaux ressentie telle une menace pour Aurore, l’échappée belle d’Aurore et de Ludovic et la découverte du lac gelé, le dîner qui suit à l’auberge…) à la progression déroutante.
Place à l’extrait !
« Une fois douché et habillé, c’était à son tour d’être un acteur du décor, il marcha vers la station Saint-Paul sous une pluie tenace. Derrière l’arrêt de bus, face à l’église, la jeune Roumaine était adossée à la vitre, assise sur son carton, pas franchement à l’abri, elle planquait son môme sous son imperméable, le tissu ramené contre une tente de fortune, Yanna ou Ilena, le jour où il lui avait demandé son prénom c’était l’été, il lui avait fait répéter plusieurs fois, elle dessinait des lettres dans sa paume avec son index, mais il ne comprenait pas, peut-être même qu’elle ne savait pas l’écrire son prénom. Au niveau de la conversation ils en étaient restés là, alors tous les matins il lui disait « Bonjour, Yanna », non pas parce qu’elle lui plaisait, encore moins par charité, mais parce qu’elle était là. Il ne lui donnait pas d’argent, une poignée de main seulement, et encore pas tous les jours, sans quoi ça aurait été sans fin. Elle était pourtant belle cette fille, ses yeux noirs éclataient dans l’ombre de ses pommettes, elle était belle avec son petit sourire trempé, mais personne ne la voyait, il les haïssait tous de faire semblant, ç’aurait été un chat ils se seraient baissés pour le caresser, l’appeler, mais cette fille jamais il n’avait vu quiconque lui parler, ni lui sourire, ni la regarder, comme cette voisine qui le toisait, cette bourgeoise qui se croyait des droits avec ses quinze malheureux mètres carrés de jardin, alors que lui il en avait des hectares de terre. Il se dit qu’un jour il lui flanquerait les jetons à cette crâneuse, lui faire peur un bon coup, rien que par jeu. »