Chanson douce, Leïla Slimani

Chanson douce, Leïla Slimani paru chez Gallimard le 18 Août 2016, 226 pages.

cvt_chanson-douce_782Leïla Slimani avait déjà opéré une entrée très remarquée avec son premier roman paru en poche chez Folio : Dans le jardin de l’ogre. Ce second roman vient d’obtenir le plus prestigieux des prix littéraires, le Goncourt.

L’histoire de Chanson douce :

Deux enfants en bas âge, un bébé et une fillette, sont conduits d’urgence à l’hôpital. L’on apprend que l’un est déjà décédé et que le second va mourir. La nourrice, qui les gardait ce jour-là, se trouve dans un état critique. Elle est suspectée du meurtre de ces enfants. La scène, qui attire les badauds, se passe à Paris, dans un immeuble chic.
Quelque temps plus tôt, Myriam commençait à s’ennuyer ferme et à étouffer dans cet espace de mère au foyer qu’elle avait pourtant voulu faire sien. Ayant fait de longues études, elle ne se reconnaissait plus dans cette vie devenue fade. Au bord de l’implosion, une heureuse rencontre avec un ancien camarade lui permet de faire ce pour quoi elle a travaillé si dur : avocate. C’est ainsi que ce jeune couple cultivé, dynamique et bourgeois se décide à embaucher une baby-sitter: Louise qui leur fait à tous deux forte impression. Quelle chance, ils sont tombés sur une véritable perle ! Peu à peu, cette dernière, de nature discrète, volontaire et perfectionniste, va prendre une place prépondérante dans leur univers et devenir indispensable à leur foyer tout en leur servant de faire-valoir.

Mes impressions de lectrice :

Si ce roman n’est pas basé sur le suspense et ne saurait être défini comme un roman policier, Leïla Slimani instille malgré tout à son lecteur un véritable doute jusqu’à la fin qui arrive presque trop vite. L’écriture très juste, sans fioritures, contribue grandement au plaisir de lecture. Elle propose deux beaux portraits de femmes qui nous sont proches mais qui nous échappent à chaque instant. Certaines scènes extrêmement bien amenées et finement analysées nous arrachent le cœur. Car c’est aussi d’une société indifférente dont elle parle où les êtres peuvent souffrir d’abandon sans que personne ne s’en aperçoive. L’écrivaine déjoue tous les clichés en proposant des portraits subtils en demi-teintes. Jouant sur la peur viscérale qu’a tout parent de perdre ses enfants, elle signe un roman magistral et glaçant. Une réussite romanesque tout autant que littéraire. Si vous souhaitez découvrir un autre roman à la thématique non pas identique mais assez proche, dans un registre thriller plus prononcé, je vous recommande le Deux de Penny Hancock (cf : mon article).

Plongez-vous dans cet extrait :

« Toute la semaine, Paul emmène Louise nager. Ils se lèvent tôt tous les deux, et pendant que Myriam et les enfants restent au bord de la petite piscine de la pension, Louise et Paul descendent sur la plage encore déserte. Dès qu’ils arrivent sur le sable mouillé, ils se tiennent par la main et marchent dans l’eau longtemps, avec l’horizon pour but. Ils avancent jusqu’à ce que leurs pieds se détachent doucement du sable et que leurs corps se mettent à flotter. A cet instant, Louise ressent invariablement une panique qu’elle est incapable de cacher. Elle pousse un petit cri qui indique à Paul qu’il doit serrer sa main encore plus fort.
Au début, il est gêné de toucher la peau de Louise. Quand il lui apprend à faire la planche, il pose une main sous sa nuque et l’autre sous ses fesses. Une pensée idiote, fugace, lui vient et il en rit intérieurement : « Louise a des fesses ». Louise a un corps qui tremble sous les mains de Paul. Un corps qu’il n’avait ni vu ni même soupçonné, lui qui rangeait Louise dans le monde des enfants ou dans celui des employés. Lui qui, sans doute, ne la voyait pas. Pourtant, Louise n’est pas désagréable à regarder. Abandonnée aux paumes de Paul, la nounou ressemble à une petite poupée. Quelques mèches blondes s’échappent du bonnet de bain que Myriam lui a acheté. Son léger hâle a fait ressortir de minuscules taches de rousseur sur ses joues et sur son nez. Pour la première fois, Paul remarque un léger duvet blond sur son visage, comme celui qui recouvre les poussins à peine nés. Mais il y a en elle quelque chose de prude et d’enfantin, une réserve, qui empêche Paul de nourrir pour elle un sentiment aussi franc que le désir. »

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