Billie, Anna Gavalda
Billie, Anna Gavalda, Le Dilettante, Octobre 2013, 223 pages
Enfin, le dernier « Gavalda » est arrivé !!! Presque aussi attendu que le beaujolais nouveau !
Roman plutôt court et dans la veine de Ensemble c’est tout, l’auteure a pris son temps avant de nous proposer son dernier roman qui est un régal. Les fans auront un morceau croustillant à se mettre sous la dent avant le prochain qui sera peut-être moins long à venir ? Et puis tant pis, on préfère la qualité à la quantité, non ?!
En préambule, voici ce qu’en dit l’auteure elle-même : « Billie, ma Billie, cette princesse à l’enfance fracassée qui se fraye un chemin dans la vie avec un fusil de chasse dans une main et On ne badine pas avec l’amour dans l’autre est la plus jolie chose qui me soit arrivée depuis que j‘écris. »
Ce que j’en dirais :
On veut bien la croire même si ses précédents ouvrages présentaient eux aussi des personnages hauts en couleurs.
Ce qui est nouveau avec Billie, c’est ce langage simple, naturel, ancré dans le temps de l’héroïne qui, en guise d’armure, fait claquer des expressions parfois ordurières et carrément pas piquées des hannetons ! Elle dit les choses comme elles lui viennent à l’esprit, elle rouspète souvent de ne pas trouver les mots justes pourtant elle n’a pas sa langue dans sa poche et ce qu’elle dit a la beauté et la force des formes brutes, non travaillées.
Elle n’enjolive rien, Billie, quand elle parle d’elle-même : « Moi, ma mère, elle est partie quand j’avais même pas un an et elle est partie parce que je ne faisais que pleurer. Elle en avait marre de son bébé. Eh ben, elle a eu raison parce qu’après tant d’années, j’ai pas progressé d’un pas : je suis toujours la même petites fille chiante, qui pleure toute la nuit… »
Elle ne s’étend pas non plus sur les traumatismes de son enfance même si elle ne leur pardonnera jamais, elle a compris qu’en tant que parents, ils ne valaient rien. Ils ne savent que fumer, picoler et taper sur leurs mômes. Ils l’ont appelée Billie à cause de Michael Jackson, sa mère s’est volatilisée, relayée par une belle-mère qui ne s’intéressera un tant soit peu à elle qu’à deux occasions : quand ils la croiront en train de fréquenter un garçon et quand elle aura droit à un héritage.
Pas de violence sexuelle mais une grande précarité et une vraie détresse morale qui l’empêchera de s’intégrer à l’école et d’avoir une vraie chance. Elle a fait une croix sur eux, définitivement, afin de se protéger de ces personnes nocives. « Le seul truc, c’est que je ne veux jamais les revoir. Jamais, jamais, jamais… Jamais je ne retournerai là-bas, jamais. A aucun mariage, à aucun enterrement, à rien. D’ailleurs, quand je croise une plaque d’immatriculation qui porte les chiffres de ce département, hop, direct, je cherche autre chose du regard pour me remettre à flot. »
Et puis, Franck. Ces deux-là sont bien les deux faces d’une même pièce, taillés dans le même bois même si c’est un garçon et qu’il est homo, il est lui aussi abîmé par la vie malgré son jeune âge. Et son prénom lui vient également de la musique : Franck Adamo. Michael Jackson versus Franck Adamo : « Autant dire qu’on ne partait pas avec les mêmes marraines dans la vie et qu’on n’étais pas programmés pour se fréquenter un jour… » Toute la période du collège, ils se sont d’ailleurs soigneusement évités car ils avaient chacun repéré la même fêlure dans le regard de l’autre jusqu’à ce fameux cours de français… L’enseignante a décidé de faire jouer à sa classe un extrait de la pièce de Musset On ne badine pas avec l’amour. Il sera Perdican, elle interprètera Camille. Et pour Billie, l’aventure commence : celle d’une amitié forte avec Franck, sa première véritable, la première fois que quelqu’un s’intéresse à elle, pour de vrai, sans arrière pensée, sans calcul ; le travail acharné sur la pièce qu’elle veut absolument réussir et qui la pousse à se dépasser, au moins pour Franck qui a pris le temps de lui conter cette intrigue à elle, Billie, la petite incapable, qui s’emmêle dans les mots, qui était jusqu’alors incapable de retenir par coeur ne serait-ce que deux lignes…
Alors pour cette ado cabossée, évidemment, ça sonne comme une revanche. Franck et sa grand-mère lui donnent une humanité que sa famille était jusqu’alors incapable de lui prêter. Mais pour autant : « Franck et moi, on n’est pas devenus inséparables parce que trop de choses nous séparaient encore : son père totalement barré qui avait transformé son chômage longue durée en crise de paranoïa aiguë et qui passait toutes ses journées sur Internet à échanger des informations top secrètes avec ses amis légionnaires de la chrétienté, sa mère qui gobait des kilos de médocs pour oublier qu’elle vivait avec un barjot pareil, mon père à moi qui n’avait pas besoin d’un ordinateur pour avoir l’impression d’être un genre de légionnaire en service commandé et mon éponge de belle-mère avec toute sa clique de rats, de rates et de ratons qui ne faisaient que de gueuler toute la journée. On avait beau essayer de faire les fiers, tout ce merdier, ça nous plombait bien le cul quand même… »
Leur rencontre autour de la pièce de Musset qu’ils interprètent chacun à leur manière (et quelle interprétation !!!) signe donc le début d’une aventure humaine. Cependant, les galères pour chacun d’eux sont loin d’être terminées et leur histoire s’écrira en pointillés. C’est ce que raconte la Billie émue et bouleversée de l’incipit qui a entraîné son Franck dans une énième péripétie : « Des bêtises, j’en ai tellement fait depuis qu’on se connait, et il en a tellement profité {…} » Alors le temps d’une nuit, Billie va raconter leur duo. Son témoin ? Eh bien une petite étoile de rien du tout : « XXS, solitaire et méfiante, mais qui envoyait tout ce qu’elle avait. »
Et nous, lecteurs béats…
Mes impressions de lectrice :
Billie, ah Billie ou 223 pages de plaisir authentique, immédiat, incomparable… Une douceur à savourer le temps d’une soirée qui nous fait découvrir, dans une langue pleine d’images poétiques, d’humour l’air de rien, la philosophie billiesque ou une certaine rage de vivre. « Et tac. Encore niquée, la vie. » Dire que Billie est attachante, c’est un euphémisme. Et en plus, elle nous fait adorer Franck et on envie leur amitié bringuebalante. Anna Gavalda a deux talents incontestables : le sens de la formule et celui d’offrir à son lecteur des portraits si humains et si naturels qu’on ne rêverait que de croiser Billie et Franck au fond de leur crevasse et de leur tendre une main secourable avant, pourquoi pas, d’entamer un monologue à l’intention de cette « immense rave de fées Clochette » ou ce joli ciel empli d’étoiles. Simple, beau, touchant. Essentiel quoi !
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