Toujours avec toi, Maria Ernestam

Toujours avec toi, Maria ErnestamToujours avec toi, Maria Ernestam, Actes Sud, Avril 2010 chez Gaïa, le 4 Juin 2014 chez Actes Sud poche (collection Babel), traduit du suédois par Esther Sermage, 433 pages.

Maria Ernestam vit à Stockholm où elle met en pratique son art qui s’exerce dans divers domaines. Toujours avec toi est son premier roman qui vient seulement de paraître en poche. Comme souvent avec la maison d’édition Actes Sud, il faut attendre longtemps avant la parution en poche. Les oreilles de Buster, son second roman, avait bénéficié d’un très bon bouche à oreilles. Son dernier : Le peigne de Cléopâtre, paru à la rentrée littéraire dernière, avait été pour ma part une excellente surprise (cf mon article : Le peigne de Cléopâtre). Toujours avec toi vient confirmer mon impression que Maria Ernestam est une écrivaine talentueuse.

Mon résumé version longue :

Ce roman se déroule sur trois époques bien distinctes. Tout d’abord, le lecteur se retrouve en 2005 où il découvre le personnage d‘Inga : journaliste très attachée à son travail, perfectionniste et mère d’un jeune homme : Peter, étudiant, ayant quitté le foyer familial. Elle est en train de vivre un jour qui va complètement bouleverser le cours de sa vie. Elle reçoit les premières critiques sur son travail. Elle espère pouvoir partager ses déboires avec son mari Marten mais en rentrant chez elle ce soir-là, elle apprendra le décès de son conjoint terrassé par un infarctus. Deux ans plus tard, Inga, endeuillée, décide de se réfugier dans la maison de campagne familiale où elle espère se ressourcer. Elle est accueillie par un ami de longue date qui n’habite pas loin : Niklas. En fouillant dans de vieilles affaires, elle tombe sur une mystérieuse lettre certainement adressée à sa grand-mère, décédée juste avant sa naissance, de la part d’une amie qui semble l’avoir bien connue. L’expéditrice, dont le nom est illisible, évoque son quotidien de missionnaire en Afrique en 1916. Mais ce qui intrigue d’emblée Inga, ce sont ces étranges allusions à des faits troubles que les deux amies auraient commis : « Malgré tout, je suis heureuse d’être ici. La Suède ne me manque pas. Je n’échangerais ce privilège contre rien au monde, et je ne renierai jamais le signe qu’il m’a été donné de voir en cette nuit que ni toi ni moi n’oublierons, et dont nous devons endurer le souvenir pendant le restant de nos jours. Cela n’avait rien à envier aux flammes de l’enfer. Que personne ne s’avise de juger nos actes. Quelqu’un prétendrait-il que nous nous sommes substituées à Dieu? Que nous avons usurpé le droit de condamner morts et vivants ? »
Ces quelques lignes suffisent à éveiller l’intérêt d’Inga qui sent une vérité cachée entre les lignes. Elle se lance, sans même le réaliser, dans une investigation qui va la conduire à interroger sa famille et à découvrir des secrets bien enfouis.
La deuxième époque plonge le lecteur en 1959 où l’on découvre Rakel, âgée de soixante ans, qui se retrouve dans une chambre d’hôpital à vivre ses derniers jours car elle est atteinte d’une leucémie. Elle se remémore alors sa vie et les souvenirs les plus marquants. Dans un récit à la première personne, elle nous entraîne en 1916 où son double plus jeune quitte sa campagne natale, après le décès de son père, pour se faire embaucher comme bonne dans une famille aisée de la ville. Elle y rencontre Léa, une jeune fille de son âge, avec qui elle va partager sa petite chambre et le même travail difficile. Des liens d’une profonde et durable amitié se nouent aussitôt entre les deux femmes les aidant à supporter les nombreuses épreuves qui les attendent dans cette période bouleversée de Guerre Mondiale, où même un pays resté en-dehors du conflit tel que la Suède, en goûtera les retombées dramatiques.

Mon avis :

La lumière se fait progressivement sur les événements mystérieux dont il est question dès le début du roman grâce à la progression d’un récit sur trois époques distinctes. Il y a donc trois niveaux de lecture, que M. Ernestam fait alterner avec habileté, conservant un suspense riche jusqu’à la fin : en 1916, nous apprenons ce qui s’est passé et ce qui a mené à ces événements extraordinaires, en 1959, Rakel, mourante, confie ses propres sentiments sur son passé et en 2007, Inga, découvre, par différents intermédiaires, un secret jalousement gardé qui a évidemment un lien direct avec sa famille.
Jamais l’attention ne retombe pour cet excellent premier roman aux détails soignés. Belle écriture, belle traduction. L’ambiance, la psychologie des personnages si différents _ j’aurais, comme léger bémol, simplement aimé en savoir plus sur Niklas : personnage intéressant mais resté trop longtemps dans l’ombre à mon goût _ et cette alternance de voix et d’époques contribuent grandement à l’intérêt de ce beau roman lancinant dont il devient de plus en plus difficile pour le lecteur d’abandonner, même pour un instant, sa lecture passionnante !

Un extrait qui sait insuffler une ambiance en quelques phrases bien choisies :

   « Une ombre planait sur le jardin, sur ses feuilles mortes et ses branchages nus. Des gouttelettes d’eau scintillaient sur les tiges. Les pierres luisaient, humides. Réminiscence de la première bouffée d’air matinal, au commencement des vacances, lorsqu’on a encore de longues semaines devant soi pour profiter de l’été. Une sensation d’ouverture, de libre circulation entre intérieur et extérieur.
Elle s’assit sur les marches, but une gorgée de thé et se remémora le passé.
Avant. L’époque où ce que les gens pensaient de ses photos avait encore de l’importance à ses yeux. L’exposition sur le thème du changement. Quelle ironie du sort… Elle ne s’en remettrait jamais. Marten. De retour après une dispute, les bras grands ouverts. Lui tendant un sac de pralines aux framboises. « C’est ça, l’amour », disait-il.
L’amour. Nom d’un chien. C’était bien de l’amour. Et dire qu’elle l’avait pris pour acquis… C’est d’ailleurs ce qu’elle avait tenté d’expliquer la veille à Niklas. Rien d’extraordinaire. Anodin, comme de savourer du thé et du fromage aux noix sur le perron. Parfaitement à l’aise dans leurs sabots, ses pieds la portaient. Ses jambes aussi. Son corps fonctionnait à merveille. Son coeur palpitait avec une régularité impitoyable, la condamnant à poursuivre seule son chemin. Il faudrait instaurer un premier geste obligatoire au réveil : vérifier les pulsations de son propre coeur. Pousser un soupir de soulagement. Cela passerait certainement pour une lubie. C’est à peine si les gens se réjouissaient d’entendre battre le coeur des êtres qu’ils chérissaient.
Tant que la barque est à l’eau, tant que le coeur est à flot. »

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