L’homme qui avait soif, Hubert Mingarelli

L'homme qui avait soif, Hubert MingarelliL’homme qui avait soif, Hubert Mingarelli, Stock, 03 Janvier 2014, 155 pages

PRIX LANDERNEAU 2014 catégorie « roman » décerné le 12 février

Un aperçu du nouveau roman d’Hubert Mingarelli :

Au Japon en 1946, juste après la fin des combats, le soldat Hisao revient en train, il va rejoindre sa fiancée : Shigeko qu’il n’a jamais rencontrée mais qu’il va épouser. Ils ont beaucoup correspondu et il lui est déjà très attaché. Comme présent de mariage, il rapporte dans ses bagages un oeuf de jade qu’il a soigneusement emmitouflé dans son caleçon de laine pour le protéger. Malheureusement, lorsque le train fait un arrêt, Hisao, pris d’une soif maladive et inextinguible, descend du wagon et se précipite pour s’abreuver à une mare et c’est dans cette position qu’on le découvre à l’incipit : tiraillé entre sa soif qui le ronge et la crainte de manquer le départ du train. Et c’est ce qui se produit, le train repart sans lui et sans ses affaires restées à bord : sa valise et son beau présent. Il va s’efforcer par tous les moyens de remettre la main sur sa valise. Ainsi commence une longue cavalcade semée d’épreuves pour notre héros plus que tourmenté. Entre cette quête aux mille embûches qui se déroule au présent, vont s’intercaler des épisodes de sa vie de soldat (qu’on ne voit pas engagé das un combat mais en train de creuser au coeur des montagnes) qui sont encore très présents dans son esprit parce que récents et hautement traumatisants. On y découvre son histoire d’amitié avec son compagnon d’armes, Takeshi, qui revient le hanter chaque nuit telle une âme perdue entre deux mondes. C’est un fantôme qui ne le quitte pas et nous découvrirons la raison, au fil du récit passé, de cette maladie qui le fait s’abreuver tel un animal et ressentir un soulagement aussi intense que bref et décourageant d’autant plus que la soif qu’il ne contrôle pas va l’éloigner à moult reprises de ses objectifs.

Mingarelli met en scène à travers ce bref roman un personnage malmené par la guerre en proie à un profond mal-être, hanté par ses fantômes, affrontant cette dernière épreuve seul, démuni comme jamais. C’est un homme marqué aussi bien physiquement que mentalement par la guerre. La soif qu’il ne parvient pas à étancher pourrait être une métaphore du sang versé par les hommes en temps de guerre, une blessure impossible à juguler et dont la cicatrice marquera pour longtemps le coeur des hommes.
Hisao se retrouve à un carrefour déterminant de sa vie, il est tiraillé entre son passé représenté par Takeshi notamment, ainsi que  d’autres soldats morts auxquels on rend ici un dernier hommage en les sauvant, pour un temps, de l’oubli ; et Shigeko qui représente l’espoir de rédemption et de renouveau, elle est son avenir, la promesse d’une vie détachée de toute violence qui tend vers la lumière. Et le lecteur assiste à cette lente mue d’un homme qui va peut-être réussir à se défaire de ses vieux démons pour entamer un chapitre plus heureux de son histoire personnelle. Finalement, cette histoire est universelle et peut s’appliquer en tout temps, à toute personne aussi certainement.
C’est encore le propre de grands textes que de toucher au sens même de la vie, de traverser frontières et époques pour se faire l’écho d’une vérité essentielle. Et Hubert Mingarelli l’a intuitivement compris.
Un souffle poétique traverse ce beau roman un brin étrange et envoûtant.

Un extrait qui nous présente Hisao en plein périple :

« Hisao arrive à Akita dans la clarté orange qui précède les soirs d’automne. Il y avait du bruit, du monde, et les lumières brillaient déjà. On courait, on marchait, c’était bien différent de chez Mme Taïmaki. Partout où il posait le regard, il voyait du mouvement. Une voiture de la police militaire le frôla. Il y avait des odeurs de viande grillée, de soupe, et un vent léger. Par chance la proximité de sa valise lui faisait oublier sa faim. Et la soif ? Il avait bu à une fontaine, pas loin de là. Pour trouver la gare, il choisit de suivre la ligne du tramway. Le soleil rasant l’éblouissait. Les rues rétrécissaient à mesure qu’il avançait. D’autres voitures le frôlèrent. En tournant à un angle, un camion perdit son chargement. C’étaient des petits paquets ronds, ils roulèrent par terre, il y eut des cris. Tout le monde se précipitait pour les ramasser, mais pas Hisao. Il se rendit compte à quel point la perte de la valise l’avait changé. A quel point déjà il aimait Shigeko. Car à un autre moment, s’il n’avait pas eu Shigeko dans son coeur, lui aussi se serait précipité pour ramasser les paquets et se sauver avec.
Le soir était là lorsqu’il trouva la gare. A peine franchie la porte il se mit à trembler. Là-bas tout au fond, il aperçut le guichet éclairé et derrière, debout, le préposé. Depuis qu’il avait quitté le vieillard, il s’en était fait une idée. Il lui avait expliqué cent fois ce qu’il s’était passé avec le train, la valise et le soldat étranger. Il lui semblait presque qu’il l’attendait, qu’il allait le reconnaître tellement lui-même l’avait imaginé. Il s’approcha, sortit son billet de sa poche, le montra, et les mots sortirent de sa bouche à peu près comme il les avait préparés. Mais tout tremblotants avec un son de gorge. »

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