Soyez imprudents les enfants, Véronique Ovaldé
Soyez imprudents les enfants, Véronique Ovaldé publié chez Flammarion le 17 Août 2016, 343 pages.
Véronique Ovaldé a déjà publié huit romans dont Ce que je sais de Vera Candida qui a reçu le prix Renaudot des lycéens ainsi que le prix France Télévisions et le Grand Prix des lectrices de Elle. Son précédent, La grâce des brigands était paru en 2013 aux éditions de l’Olivier.
Un bref résumé de Soyez imprudents les enfants :
Anatasia Bartolome, adolescente, rêve d’horizons plus vastes que ce petit faubourg étriqué de Bilbao où elle végète aux côtés de ses parents. Elle s’évade par le pouvoir de son imagination mais c’est la découverte du peintre Roberto Diaz Uribe pour lequel elle développe une passion dévorante qui va la conduire dans une vaste odyssée qui passera par Paris et qui lui fera détricoter toute l’histoire de sa famille.
C’est là l’occasion rêvée pour la jeune fille, tout en marchant sur les traces de son mentor et en enquêtant sur lui, de sauter à pieds joints dans sa propre aventure qui la conduira à explorer de nouvelles frontières et également à goûter à la solitude de notre monde moderne.
Mon ressenti sur ce dernier Ovaldé :
L’appétence de vivre de notre jeune héroïne se traduit par cette vaste fresque familiale ancrée dans la grande Histoire avec une écriture ciselée qui sait moduler entre l’intimité de la voix narrative et la portée universelle de l’histoire que le lecteur redécouvre.
Les fantaisies de l’héroïne insufflent une légèreté à ce grand roman d’une construction admirable, aux nombreuses ramifications qui laissent place à de belles surprises, des portraits divers tels un échantillon humain sur lequel Ovaldé, suivie de son lecteur, se penche à loisir avec une effronterie de ton assumée (à l’image de son choix de titre).
Et ça et là des petites réflexions laissées à notre jugement, des instants magiques entre poésie et quotidien.
Soyez imprudents les enfants est un roman d’une grande richesse et d’une vraie force stylistique. A découvrir !
Un extrait qui nous plonge dans une des nombreuses histoires de ce roman :
« Après la Grande Peste et le bref retour de son père, Feliziano II vécut avec ses trois tantes dans la maison qui avait abrité les derniers instants de sa mère. C’était une maison légèrement en retrait de la ville, sur les rives de l’Uru, près du pont de pierre à l’orée de la forêt d’Izioraty. Les trois femmes qui se ressemblaient diaboliquement portaient des robes noires toutes identiques et leur chevelure grise libre sur les épaules. Elles étaient toutes trois filles et vierges. Il était impossible de leur donner un âge, personne ne s’y serait aventuré et elles parlaient si peu qu’il était impensable qu’elles s’abandonnassent à la moindre confidence _ donner une idée de leur âge en eût été une. Leurs visages étaient changeants, ils paraissaient parfois d’une beauté froissée, dévastée, et d’autres fois ils paraissaient avoir la fraîcheur de celui d’un enfant. Elles se déplaçaient peu souvent en grappe, parce qu’elles n’ignoraient pas le malaise que leur triple étrangeté pouvait mettre au cœur des bonnes gens d’Uburuk. L’une cultivait des légumes qu’elle vendait au marché, la deuxième était sage-femme et la troisième cousait pour la communauté des robes de baptême et de mariage, et aussi des linceuls.
On racontait bien sûr beaucoup de choses sur leur compte.
(J’adorais cette légende. La plus spectaculaire de mon enfance.)
Trois créatures aussi exceptionnelles et secrètes, c’était une aubaine pour un village. On disait qu’elles n’étaient qu’une. »