L’art d’écouter les battements de coeur, Jan-Philipp Sendker
L’art d’écouter les battements de coeur, Jan-Philipp Sendker, JC Lattès, paru le 26 Février 2014, 316 pages, oeuvre allemande traduite en anglais par Kevin Williarty ce qui a donné lieu à cette version française par Laurence Kiefé
C’est avec un plaisir inégalé que je vous présente ce livre d’une beauté ensorcelante et qui viendra, je le crois, tel un phare au beau milieu de l’océan éclairer vos nuits les plus sombres…
Résumé :
C’est l’histoire tout d’abord de Julia Win, jeune new yorkaise à la recherche de son père disparu quelques années plus tôt. Très proche de lui, cette fuite demeure une énigme à ses yeux. Après être tombée, parmi les affaires appartenant à son père, sur une lettre d’amour adressée à une certaine Mi Mi mais jamais envoyée, elle se décide à aller en Birmanie dont est originaire son père. Sa mère qui lui avoue l’absence d’amour que son père avait pour elle dénigre la démarche de sa fille. Julia se défend en invoquant le besoin de vérité.
Arrivée en Birmanie, tandis qu’elle entre dans un salon de thé qui ne paie pas de mine, elle fait la rencontre d’un homme âgé : U Ba qui vient vers elle, connaissant son nom. Julia est méfiante, elle pense à une ruse d’un homme qui a repéré une touriste égarée et qui veut l’escroquer. En fait, il va lui raconter une histoire, une longue histoire surprenante qu’il va faire durer sur plusieurs jours. Il dit avoir bien connu son père mais Julia est sceptique d’autant plus que ce qu’il révèle ne correspond en rien à l’image qu’elle a de son père mais dans cette quête familiale, U Ba semble devoir jouer un rôle majeur…
Nous voilà transportés dans une contrée reculée et une époque antérieure à la seconde Guerre Mondiale. Nous sommes en Birmanie, dans la petite province de Kalaw éloignée de la grande ville Rangoon.
Tin Win est né sous les pires auspices : un samedi du mois de Décembre. Dans cette Birmanie emplie de superstitions, c’est très mauvais signe d’autant plus pour sa mère qui a perdu son frère quand elle était encore enfant un samedi en Décembre. Sa mère et son père vont consulter l’astrologue du village pour en savoir plus, il confirme leurs craintes. Le père et a fortiori la mère n’auront de cesse de mettre leur fils à distance, lequel devient un enfant calme, solitaire, en manque d’affection mais conservant sa capacité à s’émerveiller de tout ; la nature qui l’entoure, en premier lieu.
Son père meurt quelque temps plus tard et sa mère l’abandonne. Il reste des jours à l’attendre assis patiemment sur une souche d’arbre sans manger, sans boire, sans dormir. C’est alors sa voisine qui va venir s’occuper de lui. La malchance semble le poursuivre, du moins de notre point de vue car il devient aveugle à dix ans et va ainsi développer une ouïe exceptionnelle et avoir le don d’ « écouter les battements de coeur » qui le mènera à cette rencontre unique et bouleversante, venant crever sa bulle de solitude : Mi Mi. Il est aveugle, elle a des pieds difformes qui l’empêchent de pouvoir marcher ; depuis toujours, elle se déplace en rampant… le destin les a réunis. Il sera ses jambes, elle deviendra ses yeux et seront aussi fusionnels et indispensables l’un à l’autre que le soleil et la terre.
Les questions que Julia pose tout au long du récit envoûtant que délivre U Ba restent sans réponse car comme le lui dit cet homme sage, la fin de l’histoire lèvera le voile sur bien des secrets et mystères de la première partie de la vie de son père que ce dernier a totalement dissociée de son existence new yorkaise en l’enfouissant au fond de lui tel un talisman des plus précieux.
Son histoire a en effet la force d’un joyau brut.
Mon avis :
L’art d’écouter les battements de coeur est un livre de pure magie : capable de vous enivrer, vous émouvoir et vous transporter au fin fond d’une contrée disparue. L’écriture subtile, poétique, sensuelle et hautement musicale vous donnera à goûter une des plus belles histoires d’amour de la littérature. Entre conte initiatique et voyage oriental, vous ne résisterez pas à l’enchantement de ces êtres de papier dont l’art de vivre est d’une noblesse exemplaire et évoluant dans des paysages d’une beauté à couper le souffle grâce à la plume délicate de Jan-Philipp Sendker.
Ce livre est un ravissement, on s’y sent tellement bien qu’il est regrettable de le terminer… Et à certains moments, il donne la chair de poule ! Quand je vous dis qu’il a des vertus magiques…
A la croisée de Saint-Exupéry, Thu Huong et Coelho, L’art d’écoute les battements de coeur est un livre merveilleux qu’il serait tragique de manquer !
Un extrait qui donne un tout petit aperçu de la beauté du texte :
« Mi Mi était contente d’avoir dû attendre quatre jours avant le prochain marché, même si elle aurait adoré voir Tin Win dès le lendemain. Attendre signifiait avoir toute liberté de penser à lui à loisir, prendre le temps de se remémorer chaque détail de leur dernière rencontre. Encore un autre avantage de l’attente : cela donnait l’occasion de s’éclaircir les idées. Comme toujours, lorsqu’elle laissait ses pensées vagabonder, des images lui venaient à l’esprit, des images qu’elle examinait soigneusement, comme des pierres ou des métaux précieux dont il fallait vérifier l’authenticité : elle voyait Tin Win s’approcher d’elle ; elle se voyait en train de se hisser sur son dos ; elle le voyait assis à côté d’elle, tremblant de joie et d’énervement. Elle avait eu le sentiment qu’il était prêt à s’enfuir avec elle sur le dos, prêt à se lancer avec elle sur la piste de dix mille choses inconnues.
Chez elle, sur la véranda, les yeux clos, elle s’était longuement entraînée à faire comme lui. Ecouter de toutes ses oreilles. Le cochon grognait sous la maison. Le chien ronflait. Les oiseaux et les voix des voisins… Mais aucun battement de coeur. Elle voulait demander à Tin Win s’il y avait un secret et s’il pourrait lui enseigner l’art d’écouter les battements de coeur. Au moins les rudiments.
Elle raconta à son plus jeune frère l’histoire du nid d’oiseau, mais il se moqua d’elle. Comment, au nom du ciel, pouvait-elle croire que quelqu’un avait l’ouïe aussi fine ? A coup sûr, on lui avait dit avant qu’il y avait un oeuf dans ce nid. Tin Win désirait seulement l’impressionner.
Ce qui mit Mi Mi en colère – plus contre elle-même que contre son frère. Elle aurait dû s’en douter. Il y avait des choses qu’un individu marchant sur ses deux pieds ne pouvait tout simplement pas comprendre. Ces gens-là croyaient qu’on voyait avec les yeux. Qu’on couvrait de la distance avec des pas. »
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