Eclipses japonaises, Eric Faye
Eclipses japonaises, Eric Faye paru chez Seuil le 18 Août 2016, 225 pages.
Eric Faye a écrit plusieurs romans, nouvelles, récits de voyages et essais. Il a reçu en 2010 le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Nagasaki. Il confirme avec ce roman son goût pour l’Asie.
Mon résumé d’Eclipses japonaises
Années 70-80 : de mystérieuses disparitions ont lieu sur les côtes japonaises. Une jeune collégienne ne reviendra pas de son cours de badminton, une mère et sa fille de retour chez elles faisant un détour pour s’acheter une glace semblent s’être volatilisées. De même qu’un soldat américain déserteur.
Aucun indice, l’enquête piétine. Pourquoi et par qui ont-ils enlevés ?
Bien plus tard, le lien sera établi avec une affaire a priori sans rapport : l’explosion du vol 858 de la Korean Air en 1987. Ce qui réunit ces affaires ? La Corée du Nord et sa dictature broyeuse de vies humaines prête à tout pour servir ses idéaux liberticides. On le réalise d’autant plus que le romancier nous plonge aussi à travers l’un des personnages dans cette incroyable diabolique puisque la Corée du Nord va jusqu’à recruter une étudiante très prometteuse pour la transformer en espionne tueuse.
Ce n’est que longtemps après que le lien sera établi presque par hasard…
Mon avis sur ce roman d’Eric Faye :
L’auteur connait extrêmement bien son sujet. Il a rencontré un soldat américain qui lui a inspiré un de ses personnages. Il a séjourné à Kyoto et a lu de nombreux ouvrages et visionné des documentaires pour la préparation de ce livre. Cela assoit sa légitimité mais ne suffirait pas à en faire un grand livre s’il n’y avait que cela. Seulement, ce roman est d’une construction vertigineuse, d’une écriture juste et belle et nous immerge par le biais de toutes ces vies dans un autre univers. En plus de décrire des faits réels peu connus, Eric Faye livre un roman des plus captivants qui se dévore comme les meilleurs page turner ! Le lecteur s’attache à ces personnages, à leurs destins contrariés par l’Histoire et s’émeut, se passionne pour eux.
Eclipses japonaises est un court roman d’une densité rare dont la lecture est plus que jubilatoire ! Un grand crû.
Place à l’extrait au cœur de l’action :
« L’une des silhouettes l’avertit dans un japonais correct qu’ils arriveraient bientôt. Elle devait se laver, manger quelque chose. L’homme ne précisa pas où ils arriveraient, et quand elle répéta que sa famille n’était pas riche, il fit mine de ne pas entendre. Naoko discernait peu à peu les traits de ses geôliers. Ils n’avaient rien de bandits. On défit ses liens. L’un d’eux la soutint, car elle chancelait, et on la hissa jusqu’à une cabine où elle vit le jour à travers un hublot. Elle avait recouvré un semblant de calme. Ses tremblements avaient cessé. Elle plongea les mains dans une cuvette remplie d’eau dont le contact lui fit du bien et se nettoya le visage, puis y appliqua longuement un torchon pour se sécher. Ensuite, elle passa une main dans ses cheveux pour y mettre un peu d’ordre et chercha des yeux une glace.
Quand elle fut propre et peignée, les hommes découvrirent ce qu’ils n’avaient pas remarqué à la nuit tombante, dans le port japonais, où ils avaient agi à la va-vite en voyant approcher une silhouette. A leurs yeux, les Japonaises étaient toutes menues et dans la quasi-obscurité, ils avaient cru avoir affaire à une adulte. Or ils s’étaient engagés à ramener de leur mission un ou deux Japonais et le temps pressait car ils avaient ordre de regagner la Corée le soir même. Maintenant, ils allaient toucher terre avec pour seul butin une môme de quoi, une douzaine d’années… Les hommes du commando pâlirent. Elle était trop jeune. Comment réagiraient les chefs du Bâtiment n°3 ? Que ferait-on de cette bouche à nourrir ? Après s’être concertés dans leur langue, ils lui demandèrent son âge. Un instinct de bête traquée avertit la collégienne que les choses ne tournaient pas rond. »