1, rue des petits-pas, Nathalie Hug
1, rue des petits-pas, Nathalie Hug, Calmann-Lévy, 5 Février 2014, 346 pages
Nathalie Hug a écrit seule deux autres romans dont L’enfant-rien et coécrit avec son compagnon, Jérôme Camut, des romans policiers.
L’histoire du roman :
Dans un petit village en Lorraine, non loin de Verdun, au sortir de la première Guerre Mondiale, Louise, alors âgée de 16 ans, apprend le métier de sage-femme aux côtés d’Anne qui lui enseigne les ficelles de cet art unique et les rudiments de médecine indispensables à certains cas d’accouchements compliqués. Dans leur entourage, l’on découvre également Vida, femme de prime abord peu amène et encore moins loquace.
Le roman s’ouvre sur un accouchement compliqué : celui d’une inconnue qui met au monde un garçon avant de succomber subitement. Ce bébé né orphelin, Louise en fera le sien.
Son métier de sage-femme, Louise va l’apprendre auprès de la qualifiée Vida, après le décès brutal d’Anne. Il ne s’agit pas seulement d’aider les parturientes lors de la naissance mais Louise va encore soigner les problèmes gynécologiques, faire de la prévention. Elle partage avec ces femmes une grande intimité et tient parfois un discours qu’elles ont du mal à entendre et qui ne correspond pas toujours aux moeurs encore religieuses de l’époque. En effet, Louise, bien que jeune et en apprentissage, a des idées bien définies et un caractère fort. Aux côtés de Vida qui deviendra une véritable alliée, Louise va peu à peu prendre de l’assurance malgré ses blessures d’enfance non refermées.
Faisant partie intégrante de la communauté, du village et de cette maison des petits-pas à l’histoire extraordinaire, elle va rencontrer beaucoup de détracteurs sur son chemin. N’ayant pas de diplôme de sage-femme, élevant un fils qui n’est pas le sien, elle va rencontrer de nombreux déboires, découvrir des secrets plus que troublants, nouer des amitiés qu’elle n’aurait pas cru possibles et se battre encore et toujours… contre l’intolérance, les préjugés et la bêtise humaine.
Ce que j’en ai pensé :
Voici un roman très bien construit qui s’appuie sur une documentation solide, passionnante de bout en bout avec une héroïne : Louise, absolument époustouflante et proche du lecteur parce qu’avant tout humaine… Elle incarne le souffle d’un renouveau, aussi nécessaire que difficile à mettre en place, au tournant de cette période historique.
Nathalie Hug restitue à merveille l’ambiance d’un petit village de l’Est de la France dans l’immédiat après-guerre où les obus éclatent de temps à autre, où les Américains sont encore présents et sillonnent les routes, où les couples officiels et officieux forniquent qui dans une cage d’escalier, qui derrière un comptoir, qui dans un fossé…
On détruit ici, on reconstruit là-bas… L’on assiste à la réouverture de l’école dont les élèves sont en majorité des femmes. 1, rue des petits-pas est un roman féminin qui n’hésite pas à parler crûment de l’intimité, de la gynécologie et des avancées scientifiques en ce début XXème. Les personnages secondaires ajoutent encore à la richesse de ce livre empli de rebondissements, de tension, de secrets, de petites histoires qui viennent s’imbriquer dans la grande Histoire. Captivant !
Un extrait du chapitre 3 :
« Le sommeil avait enfoncé mon petit dans le tas de couvertures où je l’avais installé. Son front et ses joues fripés étaient encore rouges, et ses yeux gonflés comme ceux d’un crapaud. Il avait ramené ses poings serrés contre sa poitrine et des bulles de salive éclataient entre ses lèvres.
J’extirpai de la doublure de mes jupes le médaillon que Jehanne dissimulait dans la doublure de ses jupes, et je souris tristement, hantée par l’idée qu’elle était ma jumelle de coeur, et que son fils était le mien.
Le bijou taillé en losange dans un vieil argent était gros comme une noix. A l’intérieur, où j’avais vainement cherché quelque secret, j’avais glissé une mèche de cheveux de Jehanne. Ainsi resterait-il à Jean-Baptiste quelque chose de sa mère.
Qu’avais-je gardé de la mienne en dehors de ma carnation et de la couleur de mes yeux ? Un lointain souvenir, celui d’une chevelure blonde sur une robe blanche et l’écho d’un rire, une silhouette que j’espérais chaque matin, jusqu’à ce que la vieille femme qui m’élevait me dise que ma mère naturelle était brune et qu’elle n’avait jamais porté de blanc, pas même lors de ses noces.
De mes parents, il ne restait que les bribes d’un funeste destin : mon pauvre père avait été emporté par une cirrhose deux mois après ma naissance, alors que ma mère était de nouveau enceinte. N’envisageant pas d’élever seule un autre enfant, elle s’était payé les services d’une faiseuse d’anges qui l’avait tuée.
Devais-je chercher la vérité sur Jehanne pour la conter plus tard à Jean-Baptiste, ou lui inventer une histoire où j’aurais le beau rôle ? »
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