Continuer, Laurent Mauvignier

cvt_continuer_4276Continuer, Laurent Mauvignier paru le 1er Septembre chez Minuit, 239 pages.

Laurent Mauvignier, fidèle aux éditions Minuit, a publié plusieurs romans tels que Loin d’eux, Autour du monde ainsi que des pièces de théâtre.

Le sujet de Continuer :

Sibylle élève seule son fils adolescent engagé dans une très mauvaise pente. Elle-même, lorsqu’elle était plus jeune, a assisté à l’effondrement de sa vie. Elle en a, semble-t-il, conservé une fragilité extrême. Pourtant, elle est prête à tout pour offrir à son fils, Samuel, une rédemption bienvenue. Ce dernier voit en sa mère un être faible si bien que, lorsqu’elle lui propose un voyage dans les plaines du Kirghizistan à dos de cheval, même s’il aime l’équitation, il n’a aucune envie d’entreprendre cette odyssée avec sa mère en qui il n’a aucune confiance. Il se persuade d’ailleurs qu’elle va renoncer à ce projet et faire ce qu’elle fait de mieux, à savoir errer dans l’appartement comme une âme en peine.
Samuel sera le premier surpris. Sibylle également. Son manque de confiance n’entrave pas sa détermination à entreprendre un voyage salutaire aussi bien pour le fils à la dérive que pour elle-même, une mère en perdition. A la rencontre des autochtones, il s’agit pour la mère et le fils de s’apprivoiser, eux deux, tout autant que la nature hostile qui les environne.
Sont-ils suffisamment préparés pour ce périple où l’inconnu et le danger rôdent ? Se respectent-ils assez pour chevaucher aux côtés l’un de l’autre des heures et des jours durant ? Autant de moments singuliers, de surprises et de déconvenues vont venir peut-être à jamais ébranler ce duo chaotique d’une mère et de son fils.

Mon avis sur le Laurent Mauvignier :

Le roman de Mauvignier au style littéraire offre une superbe immersion dans un voyage au cœur du Kirghizistan. Dans la tradition américaine du nature writing où la littérature s’appuie sur un décor sauvage prédominant, Mauvignier nous met en présence de personnages principaux et secondaires incarnés qui évoluent dans une nature qu’ils essaient de s’approprier tout comme leur précieuse monture.
Laurent Mauvignier signe un court roman dense à la tension palpable où le duo mère/fils à l’honneur dans tout le roman donne encore à voir les singularités propres de chacun, les rêves, les désillusions, les fêlures et les hésitations. Très intime, profond, marquant, ce roman est d’une grande beauté avec des moments dune rare intensité et une fin sublime.
Que vous soyez ou non adepte des éditions Minuit, de l’auteur ou des belles lettres, vous trouverez certainement dans ce sujet finement traité des raisons de vous enchanter à travers ces pages.

Un extrait qui vous fera certainement goûter la densité de ce texte :

   « Ils ont pris la belle habitude, le soir, selon l’endroit où ils se trouvent, s’il n’y a pas trop d’obstacles, si les chevaux ne sont pas trop épuisés, si le paysage s’ouvre devant eux et déroule un long tapis de terre ou d’herbe, même sèche et pauvre, caillouteuse, mais avec au-devant un replat suffisamment long pour que tout à coup ils défassent la selle, laissent tomber les sacs, tout ce qui les entrave, sans rien se dire, se provoquant, se toisant et n’attendant qu’un signal, un cri, un sifflement, oui, presque tous les soirs, alors qu’ils vont bientôt s’arrêter pour bivouaquer, ils ont pris l’habitude de s’élancer et de faire la course sur quelques centaines de mètres aller et retour, à fond de cale, chevauchant à cru, profitant de l’effet de surprise, le temps de lancer un coup d’œil en arrière et de voir comment l’autre réagit, s’il bondit sur son cheval et s’élance à son tour ou s’il prend un temps trop long, s’il refuse de partir, de jouer le jeu, s’il est trop épuisé ou si seulement il n’en a pas envie, ce qui n’est encore jamais arrivé, non, pas une seule fois, que ce soit Sibylle qui provoque le jeu ou Samuel qui le relance, aucun des deux, mère ou fils, ni aucun des chevaux n’a jamais renâclé et à chaque fois on jette un regard en arrière pour voir si l’autre suit, s’il relève le défi, s’il est capable ou s’il n’a pas envie de risquer ses dernières forces de la journée dans un pari inutile qui les amuse parce que c’est un jeu qui finit de briser les corps, de détendre l’esprit, de rompre toutes les digues de la fatigue. »

 

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