Petit pays, Gaël Faye
Petit pays, Gaël Faye, paru chez Grasset le 24 Août 2016, 216 pages.
Gaël Faye écrit ici son premier roman salué par la critique, récompensé par le Prix Goncourt des lycéens après avoir figuré sur plusieurs listes de prix et notamment dans les quatre finalistes du Goncourt. Il avait également reçu le Prix Fnac. Faye est par ailleurs auteur-compositeur-interprète. « Petit pays » est aussi le titre d’une chanson figurant dans son album : Pili-pili sur un croissant au beurre.
L’histoire de ce Petit pays :
Petit pays est l’histoire du Burundi, une terre d’Afrique centrale qui va sombrer dans une bien triste période à cause des événements sinistres menant à la guerre du Rwanda dont il est voisin et des conflits sanglants entre Tutsis et Hutus qui en découlent. C’est encore l’histoire de Gabriel, le narrateur âgé de dix ans en 1992, qui vit pleinement son enfance, ses jeux, la découverte de la lecture grâce à une voisine, goûtant à une culture mixte. Il est en effet élevé par un Français et une Rwandaise. Malheureusement, sa famille comme son pays sont sur le point d’imploser reléguant les temps bénis de l’innocence enfantine très loin de lui. Sa mère, très inquiète, pour sa famille, déserte de plus en plus le foyer. La vie à l’extérieur est devenue source de tous les dangers.
Pourtant, longtemps après, Gabriel semble n’avoir rien oublié de la saveur toute particulière de son enfance africaine, des jacarandas en fleur, des minuscules troquets où les hommes se rassemblent le soir venu dans une chaleur moite ou du goût sucré et moelleux des mangues volées. Les coups de feu le réveillant parfois en pleine nuit n’ont pas éclipsé ces petits bonheurs inimitables. Alors, ce pays de l’enfance, qu’il n’a peut-être jamais quitté, il le fait revivre sous sa plume. On a une pensée pour Antoine de Saint-Exupéry qui écrivait : « Je suis de mon enfance comme d’un pays. »…
Mes impressions à la lecture du Gaël Faye :
C’est un roman puissant avec un personnage principal fort qui nous invite à partager son univers dans lequel le lecteur trouve bien vite sa place. Assistant à ses plaisirs d’enfance comme à des périodes d’une grande dramaturgie, nous ne restons pas indifférents à l’évolution de sa destinée ainsi qu’à celle de son entourage. L’écriture vive, dansante et rythmée nous fait goûter pleinement cette narration qui fait corps avec l’Histoire chargée du Burundi où se déroulèrent les prémices du génocide des Tutsis, deux ans plus tard au Rwanda. A travers le regard d’un enfant, sa vérité et sa perception, l’histoire se déroule avec un rythme soutenu, en nous offrant une perspective neuve sur ces événements : celle d’un romancier qui aurait chaussé les lunettes de son enfance. Ce double prisme offre une lecture sans concession, belle et marquante, soumettant une philosophie de vie parfois inattendue, comme au travers de l’extrait suivant.
Pour vous donner une petite idée :
« Chaque nuit, nous dormons sur des tisons ardents et nous voyons les flammes s’élever au-dessus du pays, des flammes si hautes qu’elles dissimulent les étoiles que nous aimions admirer. Et quand vient le matin, on s’étonne d’être encore là, d’entendre le coq chanter, de voir la lumière sur les collines. Je n’étais pas tout à fait un homme quand j’ai quitté le Zaïre de mes parents pour fuir notre misérable village. J’avais trouvé mon coin de bonheur à Bujumbura, cette ville était devenue mienne. J’ai vécu mes plus belles années à Kamenge, sans m’en rendre compte, car sans cesse je pensais au jour d’après, espérant que demain serait mieux qu’hier. Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur. Le jour d’après ? Regarde-le. Il est là. A massacrer les espoirs, à rendre l’horizon vain, à froisser les rêves. J’ai prié pour nous, Gaby, j’ai prié autant de fois que j’ai pu. Plus je priais et plus Dieu nous abandonnait, et plus j’avais foi en sa force. Dieu nous fait traverser les épreuves pour qu’on lui prouve qu’on ne doute pas de lui. Il semble nous dire que le grand amour est fait de confiance. On ne doit pas douter de la beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire. Si tu n’es pas étonné par le chant du coq ou par la lumière au-dessus des crêtes, si tu ne crois pas en la bonté de ton âme, alors tu ne te bats plus, et c’est comme si tu étais déjà mort.
– Demain, le soleil se lèvera et on essaiera encore, a dit Prothé, pour conclure. »