Peine perdue, Olivier Adam
Peine perdue, Olivier Adam, paru le 21 Août 2014 chez Flammarion, 414 pages.
Après avoir dans son précédent ouvrage : Les lisières, mis en scène un personnage très proche de lui-même, faisant ainsi dans l’introspection, Olivier Adam, qui dans une interview a confessé : « Je n’en pouvais plus de moi », revient ici avec un roman mettant en scène toute une galerie de personnages.
Mon résumé :
Peine perdue est un roman choral composé de vingt-trois chapitres qui s’ouvrent à chaque fois sur un (ou plusieurs) personnage(s) en particulier. L’on pourrait presque le lire comme des nouvelles si ce n’était les ponts que l’auteur dresse sans cesse entre les différents protagonistes qui forment une véritable communauté dessinant, peu à peu, la trame de l’histoire, écrite de manière quelque peu morcelée autant dans la construction que dans l’écriture ciselée, vive, nerveuse. Beaucoup de phrases nominales, de longues énumérations. Un ton très oral qui colle aux personnages, à leur façon de penser. Parfois crû, populaire. Sans fard ni détour.
L’histoire se déroule dans un cadre splendide (trop peu représenté) : celui de la côte d’Azur, le cap d’Esterel et sa roche rouge qui se laisse appréhender entre deux calanques. Mais le décor s’efface vite derrière la grande précarité de certains personnages. Tout commence avec Antoine victime d’une grave agression qui le laisse entre la vie et la mort. Plongé dans le coma, ses proches s’interrogent. Est-ce que cela a à voir avec le dernier match de foot où il s’est accroché avec un joueur de l’équipe adverse ? Son jeune fils Nino, qui vit avec sa mère et son nouvel ami, attendait avec impatience cette journée avec son père qui devait l’emmener à Marineland. Déçu, le petit ne comprend pas cette défection paternelle. Ou bien Antoine a-t-il de nouveau trempé dans une affaire louche ?
Tandis qu’une tempête hors norme s’abat sur les lieux, les personnages se succèdent et, dans un rapport plus ou moins proche avec cette affaire, racontent leur quotidien et cette difficulté qu’ils ont à maintenir leur tête hors de l’eau. Pour diverses raisons : un passé familial encombrant, une misère sociale, l’incapacité à se projeter dans une société qui ne laisse pas de place aux plus faibles, un ancien rêve trop grand pour soi, une solitude exacerbée… Les personnages se débattent mais n’est-ce pas déjà « peine perdue » ?
Mon avis :
Olivier Adam nous propose là encore un beau roman où l’humain et le social sont prépondérants avec la notion sous-jacente des injustices inhérentes à notre société dans laquelle un paquet d’individus n’y arrive tout bonnement pas.
Des anonymes que le lecteur va croiser dans un chapitre puis peut-être au détour d’un autre, auxquels il s’attache, qu’il plaint ou qu’il admire. La chance qu’ils ont d’évoluer dans un décor de rêve pèse peu quand le quotidien se pare de détresse et d’un manque criant de perspectives.
Avec une plume bien affûtée, une écriture au cordeau, Olivier Adam n’a pas son pareil pour nous régaler d’un roman poignant et déchirant. Ce n’est qu’à la toute fin que le mystère de l’agression d’Antoine sera résolu. Le puzzle se met en place lentement. Il convient d’être très attentif aux différents noms des personnages car ils reviennent parfois plus tardivement dans le roman et on pourrait vite se perdre.
Peine perdue ne contient que peu de dialogues mais se lit très vite, avec une avidité dévorante ! Un bon crû de cette rentrée littéraire 2014, réjouissant bien que comme toujours chez Adam ce ne soit ni léger, ni gai !
Un extrait qui vous donnera le ton du roman :
« Parfois elle se dit que c’est ça qui les a tués. Le chômage et tout ce temps à ne rien glander. A la fin elle n’en pouvait plus de le retrouver affalé dans le canapé en caleçon tee shirt, la main dans les chips pendant que le petit restait des heures à mater des dessins animés débiles. C’est ça qu’il appelait s’occuper du gamin : le planter toute la journée devant des dessins animés. Au bout d’un moment ils ont commencé à s’engueuler pour tout et n’importe quoi, à s’insulter à longueur de temps. Et ça a été fini. Pourtant tous les deux, ça n’avait pas toujours été ça. Il fallait les voir avant que la glu les colle au plancher. Avant que la vie, le temps ou les choses comme elles finissent par tourner les transforment en ce qu’ils n’étaient pas six mois plus tôt. Entre eux ça n’avait pas toujours été les reproches et les trucs qui la mettent en boule, les détails de la vie concrète et les emmerdes du loyer à payer des boulots chiants du pognon et de tout ce que ça use et réduit et fane en chacun de nous. Non, au début il y avait eu quelque chose comme de la grâce. Et de la légèreté. Quelque chose de vraiment beau. De vibrant. Mieux vaut ne pas y penser. Ces images qui reviennent, ces bouts d’eux deux qui se sont évaporés mais qui étaient comme de la lumière brute, c’est des morceaux de verre en plein coeur. »
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