Moscou Babylone, Owen Matthews
Moscou Babylone, Owen Matthews, Les escales, Août 2013, 423 pages
Résumé :
Alors imaginez-vous un British prénommé Roman Lambert, bien mis de sa personne (veste en tweed à la Robert Langdon alias le héros de Dan Brown), qui menait une vie a priori relativement calme auprès de ses amis branchés et qui décide de se rendre à Moscou pour changer d’air et parce qu’après tout, de par sa mère, du sang cosaque coule dans ses veines. S’il ne s’appesantit pas sur son passé à Oxford, l’on comprend que ce personnage singulier a soif d’aventures. C’est aussi un pied de nez à ses parents aux moeurs policées.
Cap sur la Russie qui, en 1995 à l’ère post-Urss, est un condensé de tous les excès. Roman ayant trouvé un travail dans une agence de relations publiques avant de partir,va expérimenter lors de son temps libre, d’abord en lien avec ses clients puis pour son propre plaisir, le côté sombre et glauque de cette Russie à l’économie chancelante, à la politique frauduleuse, au désespoir sous-jacent qui fait se vendre sans grand état d’âme de très jeunes filles dans l’espoir d’un peu de maquillage et de quelques vêtements branchés.
Tout particulièrement pour les enfants de la campagne où l’horizon apparaît sans la moindre perspective, où leurs propres parents sont prêts à les vendre au plus offrant, l’attrait des grandes villes est puissant, plus fort que la conscience de ses innombrables dangers : personnes mal intentionnées, fêtes suburbaines qui riment avec drogue, alcool, sexe à outrance… et toujours cette impression qu’ici ou là-bas, les occasions de s’en sortir sont plus que limitées. Et quand l’horizon se voile, il ne s’agit pas que d’une métaphore : l’hiver à Moscou, surtout pour un Anglais, ça a vraiment quelque chose d’épique. Effet ville morte garanti !
Entre surprises, déconvenues et expérimentations diverses, Roman évolue peu à peu dans cette ville en pleine mutation qui fera peut-être révéler à notre héros sa vraie nature et qui lui fera dire : « En Russie, j’ai aimé et j’ai tué. Et j’ai découvert que, des deux, c’est l’amour qui st le plus terrible. »
Critique :
Il me semble que c’est une lecture qui plaira encore davantage aux lecteurs qu’aux lectrices car on s’immisce vraiment dans la peau d’un héros des temps modernes à la fois exalté, violent, passionné et jouisseur.
Ce qui m’a intéressée dans cette lecture âpre et vibrante, c’est cette plongée sans filet dans ce Moscou Babylone qui paraît tellement éloigné de notre culture européenne. Si la vie décrite dans ce roman d’Owen Mattews pourrait rappeler celle des bas-fonds de nos grandes villes, ce qui surprend et bouleverse, c’est qu’on a la sensation qu’à Moscou, cette vie trépidante et chaotique est la norme.
En tous les cas, c’est celle que Roman vit non sans déplaisir, nous embarquant avec lui dans cette odyssée sans issue.
Dommage qu’il y ait quelques longueurs et des pages un peu moins intéressantes faisant perdre le rythme effrené de cette lecture car l’ensemble est, dans le côté obscur de la force, plutôt palpitant !
Âmes sensibles, s’abstenir….
Je vous propose un extrait qui illustre bien, à mon sens, le ton de ce roman et met en scène un des personnages centraux « Sonia » :
« Un jour, Sonia se mit à évoquer son enfance et sa vie à Radost, une petite ville proche d’Ivanovo. Le mur de silence qu’elle avait érigé autour d’elle commença alors à se fissurer. Les révélations déferlèrent, s’entrechoquèrent, comme des plaques de glace emportées sur la Moskova par le dégel. Une enfance dans une ville industrielle sur le déclin. Une éducation brutale dans une école de province conçue pour produire des ouvriers âpres à la tâche et des épouses obéissantes. Un saupoudrage de Pouchkine et de Lermontov, des notions d’algèbre, l’histoire de la Révolution, le tableau périodique des éléments et les Républiques de l’URSS. La génération de ses parents avait grandi dans la certitude de trouver un emploi à seize ans dans l’un des ateliers de l’usine locale de textile, de se marier à dix-sept, d’avoir un gamin ou deux avant le quasi inévitable divorce, de bénéficier d’un logement fourni par l’Etat, de saucisse et de vodka à bas prix.
La perestroïka avait porté un coup fatal à ces modestes objectifs. Il n’en restait rien quand Sonia et ses copines étaient entrées au lycée. A présent, les jeunes femmes de Radost considéraient Sonia comme une rock-star, la fille qui avait réussi à monter à la capitale. Peu importait que cette rock-star n’en soit pas une : tout à leur mythologie, elles auraient fait passer un cheval de mine pour Youri Gargarine. Sonia s’était échappée _ cela seul comptait. Sa vie faussement branchée de toxico à Moscou leur semblait infiniment préférable à leurs existences minables de provinciales. »
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