L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, Haruki Murakami
L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, Haruki Murakami, paru le 4 Septembre 2014 chez Belfond, traduit du japonais par Hélène Morita, 368 pages.
Haruki Murakami est notamment l’auteur de Kafka sur le rivage, Saules aveugles, femme endormie et plus récemment l’excellente trilogie 1Q84.
Mon résumé :
Tsukuru Tazaki a réussi à faire de sa passion des trains, son métier. Il construit des gares. Il vit à Tokyo. C’est un homme solitaire, ayant très peu de liens avec sa famille et pas d’amis. Il a l’impression d’être un homme fade sans être pour autant malheureux. Sa rencontre _ la première où il éprouve de vrais sentiments envers une femme _ avec Sara va changer la donne. Pour la première fois, il parvient à se confier sur son passé. Il n’a pas toujours été si isolé. Autrefois, il avait un groupe d’amis : ils étaient cinq lycéens (trois garçons, deux filles) très soudés, engagés ensemble dans des actions de bénévolat. Pour suivre ses études supérieures, Tsukuru est parti de sa province, les quatre autres sont restés à Nagoya. Ils ont continué de se donner des nouvelles, Tsukuru revenant régulièrement pour les voir.
Mais un jour, il rentre chez lui et aucun ami n’est là, au téléphone, personne ne décroche. Tsukuru trouve cela très étrange. Un de ses amis lui annonce alors qu’ils ont décidé de couper tout contact avec lui. La nouvelle est brutale et aucune explication n’est avancée. Tsukuru, totalement sous le choc, ne pense pas même à en demander la raison. Il l’accepte placidement. Mais cette rupture n’est pas sans conséquence pour lui. Il est alors obsédé par la mort sans vouloir passer à l’acte. Il s’enferme dans une solitude que viendra briser Sara. Elle sera celle également qui l’encouragera à retrouver ses anciens amis pour comprendre ce qui a provoqué cette séparation et pouvoir alors tourner la page et avancer.
Notre héros n’a alors aucune idée du voyage qu’il va devoir entreprendre pour aller au bout de sa quête, retrouver des êtres perdus, élucider ce mystère non résolu ce qui le mènera jusqu’à un paysage paisible de Finlande.
Mon avis :
La sensation que peut éprouver le lecteur en lisant ce roman aussi onirique que poétique et ensorcelant, c’est un certain apaisement. Se plonger dans la culture asiatique avec des personnages qui donnent l’illusion d’une grande maîtrise d’eux-mêmes alors même que parfois la tempête bouillonne en eux, tout en étant bercés par la langue très imagée (emplie de comparaisons diverses et heureuses) de Murakami, c’est en tout cas pour moi, un vrai bonheur. Une expérience unique de lecture. Certes, la fin laisse un goût d’inachevé et certains événements resteront irrémédiablement dans une ombre pleine de mystère, le personnage principal nous échappe sans cesse mais l’envoûtement est bien réel et l’on sombre avec délectation dans cet univers de déperdition où les émotions glissent sur les personnages, où le quotidien se pare d’étrangeté, où les rêves ont une drôle de résonance par-delà le songe. L’on aimerait que cette lecture ne finisse jamais…
Place à l’extrait !
« Tsukuru, quelquefois, se demandait pourquoi il appartenait à ce groupe. Etait-il réellement nécessaire à ses camarades, dans le vrai sens du terme ? S’il n’était pas là, les quatre autres ne se sentiraient-ils pas le coeur plus léger ? Peut-être ne s’en étaient-ils pas encore aperçus et ne s’agissait-il que d’une question de temps avant qu’ils n’en prennent conscience ? Plus Tsukuru Tazaki réfléchissait à tout cela et moins il comprenait. Chercher à estimer sa propre valeur revenait à vouloir jauger une substance qui ne possédait pas d’unité mesurable. Sur une balance imaginaire, l’aiguille pourrait-elle cliqueter ?
En dehors de lui, les autres ne paraissaient guère se soucier de ces questions. Il semblait en tout cas que les cinq membres du groupe avaient un vrai plaisir à se retrouver et à faire des choses ensemble. Il fallait que ce soit ces cinq-là. Pas un de plus, pas un de moins. Comme un pentagone régulier, composé de cinq côtés de longueur rigoureusement égales. C’est ce que leurs visages à tous lui disaient.
Et bien entendu, Tsukuru Tazaki se sentait heureux, et même fier, d’être lui aussi un côté indispensable du pentagone. Il aimait ces quatre amis, et, plus que tout, il aimait la sensation d’unité que le groupe lui procurait. Semblable à un jeune arbre qui aspire ses éléments nutritifs de la terre, il recevait du groupe la nourriture dont il avait besoin en cette période de puberté, comme un aliment précieux nécessaire à sa croissance ou comme une source de chaleur qu’il conservait en lui pour les périodes de disette. Et pourtant, au fond de lui, persistait l’angoisse de glisser un jour hors de cette communauté si soudée, ou d’en être expulsé et laissé seul en arrière. Tel un rocher sombre et maléfique affleurant à la surface de la mer lorsque la marée se retire, la crainte d’être seul, séparé de tous les autres, prenait souvent forme dans sa tête. »
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