On ne voyait que le bonheur, Grégoire Delacourt

On ne voyait que le bonheur, Grégoire DelacourtOn ne voyait que le bonheur, Grégoire Delacourt, JC Lattès, 20 Août 2014, 361 pages.

Grégoire Delacourt est un auteur français dont le roman, La liste de mes envies, faussement léger, a conquis un très large public avant d’être adapté au cinéma en 2014 par Didier Le Pêcheur.

Le sujet du livre :

Le narrateur qui raconte son histoire personnelle et familiale à la première personne s’adressant à son fils Léon, est un contrôleur en assurances qui veille aux fraudes afin que les assurés soient remboursés le moins possible comme il l’explique lui-même. Approchant la quarantaine, il s’interroge sur la valeur d’une vie humaine. Cette notion de chiffre, bien que subsidiaire, est redondante puisque chaque chapitre s’amorce par un nombre ou une date qui sera repris dans les pages qui suivent.
Mais l’auteur de La liste de mes envies sait combien une vie ne se résume pas à sa valeur monétaire. Le narrateur, dans une volonté de franchise par rapport à son garçon, déroule le fil de la légende familiale avec sincérité et sans complaisance, surtout pour lui-même qui depuis toujours cultive la lâcheté telle une seconde peau dont il est si difficile de se débarrasser. Il a eu un bon modèle : celui de son père. Un héritage pesant… En se jurant qu’il serait un meilleur père que le sien, il avoue qu’il a fait pire. Mais ça, le lecteur ne l’apprend pas tout de suite.
Il y aura d’abord son propre contexte familial assez terrible : une soeur qui meurt dans son sommeil, une mère qui s’en va, un père qui ne partage rien avec ses deux enfants dont une fille avec de graves problèmes orthophoniques. Malgré tout, cette enfance se pare de moments de tendresse et d’une complicité jamais démentie qui naît entre frère et soeur. Pleutre, notre héros l’est déjà enfant et cela ne va pas en s’améliorant. Son enfance empoisonnée semble l’avoir poursuivi.
Il nous est malgré tout sympathique car, même s’il ne parvient pas à s’imposer, il cultive des valeurs intéressantes et son ton est vrai, son histoire passée et présente, touchante.
Sans révéler l’un des moments choc de cette histoire, le narrateur anticipe sur la suite des événements quand il nous dit qu’il a senti le tigre se réveiller en lui. Au lecteur de se poser la question suivante : combien de brimades un homme peut-il subir avant de perdre prise avec la réalité de sa vie, de son quotidien, de ses pairs ?

Mon avis :

Difficile de reposer le dernier très bon roman de Grégoire Delacourt qui nous offre une histoire familiale bouleversante aux multiples rebondissements entre la France et le Mexique. Le ton intimiste et très oral, qui est celui de la confidence, de notre anti-héros nous fait l’apprécier comme malgré nous. Il a quelques formules qui resteront gravées en nous par les résonances qu’elles y trouvent. Delacourt sait comment happer son lecteur et le tenir jusqu’à la fin, belle et forte à l’image de ce grand roman simple mais qui prend tout son sens et ne se montre jamais décevant.
Un roman qui s’avale presque d’une traite en offrant une belle palette d’émotions et de personnages bien croqués.
Et cette question en toile de fond : à quel moment peut-on basculer vers la laideur humaine ? Et quel pardon possible par la suite ? Des questions qui nous interpellent, nécessairement en questionnant notre humanité.
Je le trouve, pour ma part, plus réussi, plus  marquant que son précédent, bien qu’agréable et à l’idée originale : La première chose qu’on regarde.

Place à l’extrait !

   « Mais je n’osais pas. Je n’ai jamais osé. Je suis payé pour payer le moins possible.  Je suis payé pour n’avoir ni coeur ni compassion, je n’ai pas le droit de tendre la main au naufragé, il n’y a pas de place en moi pour la pitié, pour l’attendrissement, pour une quelconque humanité ; ces mots inconnus. Mon éclopé aurait sa vie foutue, comme l’était la mienne ; depuis les origines.
Elle commence où, la lâcheté, Léon ? Dans le regard de votre mère qui n’arrive pas à se détacher de deux yeux verts, un 14 Juillet, sur une place Aristide-Briand ? Dans les soupirs d’un étudiant en chimie qui renonce à changer le monde pour une fille qui aime la couleur de ses yeux ?
Dans la fumée mentholée, qui anesthésie doucement et fait, jour après jour, renoncer aux beautés du monde ? Dans les mains qui abandonnent l’enfant, là, à lui-même ?
Elle commence où ? Pas besoin d’une mère suicidée, d’un père absent, d’un adulte qui vous frappe ou qui vous ment. Pas besoin de tragédies, de sang. Une méchante phrase à la sortie de l’école suffit, tu en sais quelque chose. Un baiser de votre maman qui ne s’envole pas suffit, des sourires qui ne se posent pas sur votre épaule, comme une plume. Quelqu’un qui ne vous aime pas suffit.
J’ai su très tôt que j’étais un lâche. »

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