Kinderzimmer, Valentine Goby
Kinderzimmer, Valentine Goby, Actes Sud, Août 2013, 218 pages
J’ai eu la chance de rencontrer l’auteure lors de la rentrée littéraire de sa maison d’édition « Actes Sud ». La façon dont elle parlait de son propre roman : avec humilité et passion, m’a immédiatement donné envie de le lire.
Résumé :
La thématique, on la connait relativement bien pour avoir lu sur le sujet, visionné des films et l’avoir étudiée en classe. Il s’agit des camps de concentration. Oui mais pas seulement. Elle aborde un angle particulier : les femmes enceintes dans les camps de concentration. En se focalisant sur un exemple de femme _ il s’agit bel et bien d’un roman, non d’un document historique, choix qu’elle sait justifier : elle est romancière et a plus de légitimité à raconter cela après avoir fait des recherches qu’à se positionner en historienne, la question de la légitimité s’est vraiment posée à elle puisqu’elle n’est pas directement concernée ni sa famille par cet épisode tragique de l’histoire _ elle va donc évoquer la présence et même la venue au monde d’enfants dans le camp de Ravensbrück où il existe une pièce consacrée à ces si fragiles bébés : la Kinderzimmer et une personne dédiée à leurs soins : la puéricultrice qui avouera au personnage principal que les nourrissons ont une durée de vie maximale de trois mois compte tenu des conditions du camp : manque de lait, le froid mordant, les maladies diverses…
Nous suivons Mila, personnage central, qui arrive au camp accompagnée de sa cousine Lisette. Auprès de cette jeune femme qui est aussi son amie, elle va apprendre les règles du camp et sa langue. Valentine Goby émaille en effet son histoire de nombreux termes alemands. Car les prisonnières apprennent vite le langage de Ravensbrück, les règles officielles et officieuses ou comment survivre àl’enfer d’un quotidien fait de travaux forcés, de faim, de douleurs, d’humiliation, de maladies et surtout cette odeur de mort qui se glisse partout : une constante à Ravensbrück. Comme le souligne l’auteure, à Ravensbrück comme dans d’autres camps, il n’y a pas qu’un camp mais autant de camps que de personnes et d’histoires vécues. « Dans chaque camp, il y avait mille camps. »
Mila en arrivant à Ravensbrück pense qu’elle est enceinte sans en être certaine. Elle demeure très naïve sur ce sujet et ignore comment cela se passe.
Les femmes qui l’entourent au camp vont développer une solidarité féminine et maternelle pour l’enfant à naître. Quelque part, au milieu de cette horreur sans nom, une lueur de quoi _ d’espoir ? de vie ? de foi au sens large ?_ témoigne de l’échec de la barbarie au profit de l’humanisme.
La preuve en est encore dans les quelques luttes quotidiennes : bafouer l’autorité en mentant, volant, fêter un anniversaire, mettre au monde un enfant, se réchauffer auprès d’un autre être, se soutenir mutuellement. C’est ce mélange époustouflant que Valentine Goby a su nous restituer dans son incroyable roman.
Critique :
Un souffle épique traverse le roman de Valentine Goby qui n’est en aucun cas un énième livre sur les camps de concentration. En effet, elle aborde un point de vue singulier sur les camps : celui des naissances et de l’existence des chambres d’enfants en plein coeur de la barbarie nazie. Par la beauté de son écriture raffinée, cette auteure confirmée, en choisissant un personnage fort et réaliste, nous prouve que l’être humain peut faire le pari de la vie, de l’espoir, de la lutte et traverser les épreuves même les plus sordides en restant digne. Une belle leçon d’humanité dans ce roman courageux et poignant !
Un extrait dans lequel l’auteure joue admirablement des effets de contraste :
« Dehors il fait un temps splendide. L’année dernière on dit qu’il a neigé jusqu’en juillet. Mais le ciel est clair en ce mois de juin, transparent, figé dans une éternité bleue de cobalt. Un temps à pique-niques. A baignades. L’eau du lac a des reflets de rivière, des formes sombres de gros poissons se meuvent au-dessous. Sur la rive d’en face des gens pêchent, immobiles. Comme tout ça est paisible, merveilleusement indifférent. L’araignée reprise sa toile entre les tiges d’iris, la même toile, les mêmes iris depuis des semaines. Lisette chie ses tripes et l’image bucolique en dégradés de verts n’en est pas moins réelle. Dimanche matin, l’appel dure quatre heures. Ils ne tombent pas sur le bon chiffre et recommencent à compter plusieurs fois. Mila ne pense plus. Ne cherche plus à se distraire. Elle fait la stèle. C’est de l’attente pure.
De retour au Block, Mila fixe Lisette de ses yeux noirs : j’ai froid, si froid, il y a un hiver de trop. Georgette touche le front de Lisette, puis parle du Revier. Mila refuse, le Revier, c’est mourir, elle l’a bien compris. Mais il s’agit seulement de prendre une aspirine pour faire tomber la fièvre. de toute façon, affirme Georgette, au Revier il n’y a que de l’aspirine. par chance Mila a le front chaud, elle tousse et crache des glaires, elle pourra se faire admettre avec Lisette. Mets-toi au soleil, Mila, faut que ça brûle. On va faire grimper ta température, en dessous de 40°C ils te renverraient au Block. »
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