Les premières impressions, Jean Hanff Korelitz
Les premières impressions, Jean Hanff Korelitz, paru au Cherche Midi le 22 Septembre 2016, traduit de l’anglais par Hélène Zylberait, 502 pages.
Jean Hanff Korelitz vit à New York où elle est poète et romancière et écrit également pour la presse.
L’histoire en quelques mots :
Grace est une thérapeute de renom, exerçant à New York où elle a acquis une clientèle dans le domaine des thérapies de couple. Elle est mariée à un brillant onco-pédiatre et ils ont un fils de douze ans avec qui tout se passe bien. En clair, elle a une vie réussie sur tous les plans. Elle vient même de publier un livre qui explique la théorie qu’elle a développée depuis longtemps au contact de ses patients. Les premières impressions sont déterminantes dans une rencontre et selon Grace, la plupart des problèmes dont peuvent ensuite se plaindre les femmes à l’encontre de leurs conjoints, étaient déjà contenus dans leur première rencontre. Seulement Grace souligne notre propre faculté à nous aveugler volontairement afin de faire adhérer le modèle de la personne idéale avec les réalités de la personne rencontrée. Ce refus de voir la personne objectivement conduit à des drames affectifs par la suite mais selon Grace, ils pourraient et devraient être évités. Elle a un regard sans complaisance sur ces femmes qui se plaignent de leur sort quand elle-même souligne un manque de lucidité de leur part.
Le problème dans cette théorie bien huilée, c’est que Grace elle-même va réaliser que l’homme qu’elle aime est en réalité un inconnu pour elle et qu’il se pourrait qu’il soit à l’origine d’un meurtre dans le quartier. La disparition de son mari oblige Grace à une remise en cause majeure et à une décision qui en découle pour protéger son fils ainsi qu’ elle-même.
Ce que j’ai pensé des Premières impressions :
L’idée de départ était séduisante et prometteuse. Le personnage de Grace à travers son assurance et une certaine auto-complaisance avait, au début, quelque chose d’agaçant que ce terrible revers de fortune rend plus humaine et plus attachante au lecteur. Le roman se lit facilement mais n’évite pas, à mon sens, cet écueil que peuvent connaître certains thrillers psychologiques : un manque de rebondissements qui rendent malheureusement l’ensemble un peu plat. L’intrigue, peu étoffée, est vite reléguée au second plan et l’on suit le personnage principal dans sa vie nouvelle qui, sans être inintéressante, nous éloigne du côté policier . Il aurait été intéressant de suivre davantage le mari, de sonder ses raisons et son passé et pas seulement à travers les yeux du même personnage.
Même si l’idée conductrice du roman est originale, le manque de rythme et une écriture sans véritable empreinte n’offrent pas une lecture très marquante.
En voici un extrait :
« C’est alors que retentit la sonnette de la porte de l’immeuble. Elle appuya sur le bouton de l’interphone jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Elle entendit les voix du couple dans la salle d’attente – des voix calmes et posées, ce qui était inhabituel pour ses patients, généralement plus prêts à mordre. C’étaient des gens gentils, tous deux acquis à l’idée d’une thérapie ; ils voulaient sincèrement essayer d’arranger les choses, même s’ils étaient tellement blessés par leurs enfances respectives qu’elle espérait, en elle-même, qu’ils décideraient de ne pas avoir d’enfants. Certaines personnes auraient dû en avoir mais ne pouvaient pas ; d’autres le pouvaient mais il aurait mieux valu qu’elles n’en aient pas. Ce n’était pas juste. Au moins, ces deux-là s’étaient trouvés, ce qui les rendait déjà plus chanceux que beaucoup d’autres.
Cela ne servait à rien de rester assise à son bureau, à fixer son téléphone et à essayer de comprendre ce qui venait de se passer. Rien ne l’empêchait de donner quelques minutes de plus à la femme et à l’homme qui attendaient de l’autre côté de la porte, comme un cadeau, un geste de sa part. Elle pouvait se lever, ouvrir la porte et les accueillir un peu plus tôt. Elle le pouvait et elle aurait dû le faire, mais pour une raison étrange elle ne le fit pas, et le temps continua à s’écouler comme si rien n’avait changé et Grace resta assise comme si rien n’avait changé, parce qu’elle le voulait et parce qu’elle le pouvait. Mais plus pour très longtemps. »