Les disparus du phare, Peter May
Les disparus du phare, Peter May paru le 1er Juin 2016 au Rouergue Noir, traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue, 315 pages.
Peter May, le plus français des Écossais ou le plus écossais des Français revient sur ses terres de prédilection en situant sa dernière intrigue sur l’île de Lewis comme la cultissime et exceptionnelle trilogie qui l’a fait connaitre dont le premier tome s’intitule : L’île des chasseurs d’oiseaux (cf mon article).
Le sujet du dernier Peter May :
Sur la plage, groggy par les vagues et le froid, un homme reprend connaissance avec un sentiment d’urgence, de fuite. Il est sauf, le seul problème, c’est qu’il n’a aucune idée de qui il est ni de la raison qui l’a fait s’échouer ici. Il parvient à retrouver le chemin de sa maison qu’il découvre tel un visiteur. En fouillant pour essayer d’en apprendre un peu plus sur lui-même, il comprend qu’il est plutôt solitaire et secret. Dans la maison, rien d’intime, de personnalisé qui lui permettrait d’en savoir davantage sur son compte.
Un couple vient le voir, ils semblent s’apparenter à des connaissances amicales. Notre héros ne laisse rien paraître et ne veut pas dévoiler sa perte de mémoire. Il joue son rôle endossant celui de l’amant quand il réalise qu’il avait une liaison avec la jeune femme.
Et lorsqu’on essaie de le tuer en pleine nuit, il réalise qu’il doit se méfier de tous et se dépêcher de comprendre ce qui motive ses poursuivants. Il prétendait avoir pris cette location avec vue sur la mer pour écrire (comme ce couple le lui a révélé) mais en fait de bouquin, il découvre qu’il n’y a rien. Qui est-il ? Un imposteur ? Pourquoi a-t-il une carte de la route des Cercueils qui était autrefois celle qu’empruntaient les insulaires pour enterrer leurs morts ? Et quel rapport avec le livre qu’il découvre sur les îles Flannan qui fut autrefois le théâtre de la disparition non élucidée de trois gardiens de phare ?
La découverte de minuscules points rouges sur sa main telles plusieurs piqûres d’abeille va lui faire emprunter une nouvelle voie lui réservant autant de surprises que de d’adrénaline et de risques encourus.
Ce que j’ai pensé des Disparus du phare :
L’amnésie du personnage principal est vraiment bien traitée avec réalisme et précision et donne tout le piquant à l’incipit. L’exergue « Pour les abeilles » dont fait mention l’écrivain donne le propos général des Disparus du phare comme le titre ne l’indique pas. Une fois encore, ce titre, plutôt accrocheur, est à mon sens mal choisi, en anglais Coffin road « La route des cercueils » est plus adaptée.
Peter May s’est énormément documenté sur le monde des abeilles et nous y apprenons une foultitude de choses passionnantes et qui font, il faut l’avouer, froid dans le dos…
Les personnages sont bien construits avec un personnage central s’escrimant à courir derrière une identité qui lui échappe dans un sentiment de plus en plus vif d’urgence que May transmet à son lecteur. L’intrigue est élaborée tel un édifice, pierre par pierre ou strate par strate, lentement et sûrement.
Sans en dévoiler davantage, je dirais tout de même que l’une des pistes aurait pu être davantage creusée et sur ce point précis, je suis restée sur ma faim.
Pour le reste, c’est un polar riche, efficace et captivant. Comme toujours, on se régale en compagnie de Peter May.
La preuve avec l’extrait !
« Mes doigts tremblent en se refermant sur la poignée. Je la tire vers moi avant de redescendre sans tarder dans le couloir. Je brûle de jeter la mallette par terre et de l’ouvrir là, tout de suite. Je m’oblige à conserver mon calme et l’emporte dans la cuisine où je m’assois avant de la poser sur la table, devant moi. En fait, j’ai presque peur de l’ouvrir. Peut-être est-il préférable de vivre dans l’ignorance que d’être confronté à une vérité qui dérange.
Finalement, je la couche, libère les fermoirs et soulève le couvercle. Je ne sais pas ce que je m’attendais à y trouver, mais je n’aurais pas pu être plus surpris. La mallette est remplie de liasses de billets de cinquante livres. Douze en tout, avec un peu d’espace, sans doute libéré par les liasses déjà prélevées. Dépensées, sans doute. Tandis que le silence qui règne dans la maison bourdonne à mes oreilles et que les battements de mon coeur résonnent dans mon crâne, je soulève une liasse et compte vingt billets. Mille livres par liasse. Douze mille livres au total, et il doit manquer au moins huit liasses.
Au moins, je sais comment comment je finance ma vie ici. Avec du liquide. Mais à qui appartient-il, et pourquoi ? Est-ce de l’argent volé, ou je ne sais quel paiement ? Chaque réponse ne fait que soulever d’autres questions. Incrédule, je reste à fixer les billets pendant un long moment au bout duquel j’entends ma propre voix jurer. « Nom de Dieu ! » Un chuchotement, comme si j’avais peur de parler à voix haute.
Mon attention est attirée par le compartiment à soufflets du couvercle. S’il était vide, il devrait être plaqué contre la paroi. Mais ce n’est pas le cas. Je tire dessus et en sors un dossier de couleur bleue. Je fais glisser la mallette sur le côté et le pose devant moi pour l’ouvrir. Ma bouche est desséchée et ma langue presque collée à mon palais, mais il ne me vient pas à l’idée de boire quelque chose. »