La chute d’Icare, Jean-François Roseau
La chute d’Icare, Jean-François Roseau paru le 17 Août 2016 aux éditions de Fallois, 343 pages.
Voici le second roman d’un très jeune auteur français encore méconnu du grand public publié par la même maison d’édition que Joël Dicker.
Le sujet de ce roman de Jean-François Roseau :
La chute d’Icare évoque la figure disparue d’Albert Preziosi, aviateur corse, qui fut apparemment un ami du grand-père du nararteur/auteur. Sous la plume de Roseau, le personnage revit et se mue en héros. C’est d’abord l’histoire d’un garçon depuis toujours passionné d’aviation qui partira étudier à Paris, des études exigeantes pour lui permettre d’accomplir son rêve. Un rêve qui s’inscrit dans une destinée héroïque et parfois contrariée, notamment lorsque sa carrière se voit mise brutalement entre parenthèses après un accident de voiture. En effet, il sera l’un des premiers hommes à rejoindre les Forces Françaises Libres sous de Gaulle et à refuser l’armistice signée par Pétain en 1940. Considéré comme un déserteur, les gendarmes iront même le chercher dans son village natal en Corse et seront bien gênés d’aller frapper à la porte de ses parents et d’être accueillis par son père, un de leurs collègues.
Pendant ce temps, Preziosi a donc rejoint Londres d’où il survolera l’Egypte et la Lybie où il sera immobilisé un long moment suite à un accident. Perdu dans le désert, manquant mourir (on pense à un autre aviateur célèbre ayant connu les mêmes déboires à cette époque : Saint-Exupéry), il est recueilli par des bédouins. Alors que ses camarades le croient mort, il se lie d’amitié avec cette famille qui l’accueille chaleureusement. Il est même si bien intégré qu’il leur laisse un souvenir très personnel : un fils qu’il a conçu avec la jeune bédouine qui n’avait jusque-là, au grand désespoir de sa mère, enfanté que des filles…
Du désert lybien, il repart pour être envoyé sur le front russe. Accueilli tel un héros par ses camarades qui le croyaient mort, la suite des aventures est plus rude. Danger, mort, adrénaline et conditions de vie drastiques sont au rendez-vous de ce nouveau virage aérien.
Ce qui m’a plu chez Jean-François Roseau :
Entre légende et biographie romancée, La chute d’Icare est un hymne à un aviateur brave, un héros français dont une drôle de légende née dans les années 60 en ferait le père de Kadhafi. Si le lecteur peut être surpris par les références à l’ancien chef d’Etat Mouammar Kadhafi, le lien devient tangible au moment de l’épisode dans le désert. La chute d’Icare est avant tout un formidable roman d’aventures trépidant qui fait l’éloge d’un personnage historique peu connu sur lequel l’auteur pose un regard plein d’admiration. D’une écriture parfaitement maîtrisée avec un rythme soutenu, un ton très personnel où le narrateur n’hésite pas à intervenir toujours avec finesse, le lecteur se glisse aux côtés de ces braves qui ont combattu pour la France en endossant un costume d’aventurier des airs. Sans oublier au cœur de cette courte vie bien remplie d’évoquer les amitiés et amours du personnage principal, le portrait est aussi complet que réjouissant !
Un extrait au cœur de l’action :
« Le ciel est infiniment bleu quand les fuyards surplombent les côtes bretonnes, puis normandes. La griserie opère vite, elle domine l’inquiétude. A deux mille mètres d’altitude, le corps d’Albert se souvient néanmoins qu’il existe : il a faim. Et cette faim se creuse avec la hauteur. A défaut d’aliments consistants, Ezanno lui tend un thermos rempli de café. Le liquide noir, épais, brûlant, sucré, file lentement dans sa gorge et cette chaleur se confond un instant avec la chaleur qui l’entoure, celle du soleil de juin, du printemps charriant un pêle-mêle de désirs, de pollen et d’embruns, chaleur d’un espoir incertain, chaleur amicale d’Ezanno dont il se sent d’autant plus proche qu’ils ont désobéi ensemble, risquant la même peine infamante. Le voyage n’est pas long ; les rives anglaises s’esquissent déjà au-devant de la Manche, léchées par l’écume, mangées par le brouillard. A présent, il faut trouver Yeovil pour atterrir. Le plan indique la ville, une bourgade du comté de Somerset, avec ses maisons prévictoriennes, sa pluie, ses briques, sa belle église de St John dont le clocher de pierres médiévales leur arrache un murmure d’admiration. Mais les deux pilotes ont quelque peine à identifier l’emplacement exact occupé par la base britannique, et cette hésitation impose à leur avion une valse aérienne de plusieurs minutes. Ils craignent de manquer de carburant. Une incompréhension mêlée d’effroi succède alors à l’enthousiasme désinvolte. La carte serait-elle fausse ? Ce serait bien le comble d’avoir quitté la France pour aller s’écraser chez nos voisins anglais. Au bout d’un moment, Albert, le nez collé au hublot arrière, s’exclame :
– Là-bas, regarde ! Un Blenheim va atterrir.
Les voilà rassurés, ils sont sur la bonne voie. L’avion britannique descend de plus en plus, en pleine campagne, et se pose au milieu des herbages comme sur une piste d’aérodrome. Ezanno n’a plus le choix : il faut descendre. »