Dans la forêt, Jean Hegland
Dans la forêt, Jean Hegland paru le 03 Janvier 2017 chez Gallmeister, traduit de l’américain par Josette Chicheportiche, 301 pages.
Jean Hegland vit en Caroline du Nord, en plein cœur des forêts. Ce premier roman qui vient de paraître en France était sorti en 1996 aux Etats-Unis et avait connu un très grand succès. Hegland partage son temps entre l’écriture et l’apiculture.
Le sujet du roman de Jean Hegland :
Au cœur de la forêt, une maison familiale dans laquelle ont grandi Nell et Eva âgées de dix-sept et dix-huit ans. Ce qui a changé pour elles, c’est qu’elles sont désormais seules dans un monde qu’elles ne reconnaissent pas complètement puisque l’électricité a peu à peu disparu de même que l’essence. Eloignées de la ville, elles ressentent moins la mutation de cette société. Nell, brillante élève, voulait entrer à Harvard tandis qu’Eva, passionnée de danse classique, rêvait d’intégrer un grand ballet. Leurs espoirs sont mis entre parenthèses devant une autre réalité : celle d’un univers où elles ne devront compter que sur elles-mêmes, un monde silencieux et possiblement dangereux, entouré d’une forêt qu’elles vont devoir apprivoiser pour survivre.
Pourquoi j’ai frissonné à la lecture du livre Dans la forêt
Dans la pleine tradition du « nature writing », courant que Gallmeister porte haut, ce magnifique roman offre une immersion bluffante au cœur d’un monde sauvage.
Au sein d’une famille atypique, deux sœurs, très complices mais différentes, grandissent dans une maison en pleine forêt. Celle-ci, véritable personnage du livre, est au centre de l’histoire. L’auteure lui rend hommage tout au long des (més)aventures des jeunes filles. La forêt, si on prend le temps de la sonder, la découvrir, peut se muer en véritable alliée.
Cette lecture épatante, offre, outre un sublime hymne à la littérature, une savoureuse excursion boisée, savante et pleine de surprises. A lire avant d’aller faire une belle promenade en pleine nature !
Un extrait en forme d’ode à la nature et au pouvoir de la lecture :
« C’ETAIT au début de septembre dernier. Les matins étaient frais, couverts d’une brume venue du littoral, les après-midi lourds de chaleur, et les soirées qui suivaient amples et douces, avec l’air sur nos bras nus comme de la soie et des nuages roses haut dans le ciel d’un bleu s’assombrissant. Le potager avait connu des jours meilleurs. Les laitues et les épinards et la moutarde étaient montés en graines des mois auparavant ; nous avions mangé depuis longtemps tous les radis et les petits pois, et nous arrivions à la fin du maïs et des betteraves et des carottes. Les haricots et les courgettes et les tomates commençaient à diminuer, et dans le verger les pommes étaient presque prêtes à être ramassées.
Père disait que nous nous en sortirions. L’électricité serait bientôt rétablie, promettait-il. Le téléphone marcherait à nouveau, et il ferait du stop pour aller chercher de l’essence en ville. L’école primaire de Redwood rouvrirait. Eva reprendrait ses cours de danse et passerait son audition, et je pourrais me préparer sérieusement poour mes Achievement Tests en novembre.
C’était comme si le garrot que le chagrin avait posé sur nos vies se desserrait enfin. Père disparaissait encore souvent à l’étage bien avant le coucher du soleil, mais les heures qu’il passait à couper du bois et à jardiner semblaient lui procurer une nouvelle vigueur. Il n’était plus aussi distant qu’il l’avait été, et parfois il rompait son deuil d’une plaisanterie.
Pendant ce temps, je lisais – ou plutôt relisais – tous les romans qui se trouvaient dans la maison. J’étais depuis longtemps venue à bout de la dernière pile des livres de la bibliothèque, mes cassettes de langue se taisaient, l’ordinateur était une boîte couverte de poussière, les piles de ma calculatrice étaient mortes, aussi retournais-je aux romans pour me nourrir de pensées et d’émotions et de sensations, pour me donner une vie autre que celle en suspens qui était la mienne.
Siddhârta. M is for Murder. Bilbo le Hobbit. Le Carnet d’or. Tess d’Uberville. Catch 22. Chroniques martiennes. Adam Bede. »