Une vie entre deux océans, M.L. Stedman

Une vie entre deux océans, M.L. Stedman paru chez Stock en Octobre 2013 et en Livre de poche le 1er Octobre 2014 chez Lgf, traduit de l’anglais par Anne Wicke, 521 pages.

M.L. Stedman est née en Australie et vit aujourd’hui à Londres. Une vie entre deux océans est son premier roman et a connu un très fort succès.

Mon résumé :

Tom Sherbourne, à son retour en Australie, est un homme brisé après avoir combattu aux côtés de camarades souvent décimés lors de la Grande Guerre. Son sentiment de culpabilité est très fort. Et les horreurs auxquelles il a assisté ont fait de lui un autre homme, lui imprimant des souvenirs indélébiles. Il devient le nouveau gardien de phare sur la petite île de Janus totalement coupée du monde où il peut s’écouler des mois sans qu’il voie âme qui vive. C’est un travail qui lui correspond bien. La solitude ne lui pèse pas outre mesure et il s’acquitte sérieusement de ses tâches.
Mais un jour en revenant sur le continent pour quelques jours, il fait la rencontre de la jeune et pétillante Isabel qui lui arrache un baiser fissurant ainsi sa réserve naturelle. Elle sera également plus tard à l’initiative d’une vie à deux sur Janus après leur mariage.
Les jeunes mariés semblent être heureux tous les deux dans cet endroit qu’ils s’approprient. Leur bonheur serait complet s’ils arrivaient à concevoir un enfant. Mais Isabel traverse des moments bien pénibles suite à ses fausses couches.
Alors, quand un bateau s’échoue à leurs pieds avec à son bord un homme mort et un jeune nourrisson esseulé, pour Isabel, il lui est tout naturel de le prendre sous leur aile et d’agir comme s’il était leur enfant. Ce sera leur secret à eux deux mais Tom éprouve un certain malaise qui ne le quittera jamais…
Comme s’il éprouvait ce pressentiment terrible qu’un couperet s’abattra tôt ou tard sur sa famille heureuse.

Mon avis :

Mises à part quelques pages de descriptions techniques sur le phare, le métier ou une peinture appuyée sur tel paysage, le roman se dévore. Même si son rythme peut paraître lent, il comprend suffisamment de rebondissements et de suspense pour que le lecteur ait envie d’en connaître le dénouement. De plus, la dynamique des personnages fonctionne très bien. L’on glisse facilement d’une psychologie à une autre. Et le dilemme est vraiment cornélien. Impossible de rester insensible à cette détresse insoluble ! Les paysages dépeints par une auteure inspirée nous immergent dans une Australie d’après-guerre sauvage et grandiose.
La fin ne m’a pas déçue et j’en suis heureuse. Un premier roman excellent, d’une maîtrise narrative impeccable !

Un petit reflet de la personnalité de Tom dans cet extrait :

   « A Janus, il n’y a aucune raison de parler. Des mois entiers peuvent s’écouler sans que Tom entende le son de sa propre voix. Il sait que certains gardiens mettent un point d’honneur à chanter, comme on ferait tourner un moteur pour vérifier qu’il est en état de marche. Mais Tom trouve une certaine liberté dans le silence. Il écoute le vent. Il observe les moindres détails de la vie sur l’île.
De temps à autre, comme apporté par la brise, le souvenir du baiser d’Isabel flotte dans son esprit : le toucher de sa peau, toute sa douceur. Et il pense aux années durant lesquelles il lui avait été impossible d’imaginer qu’une telle chose pût lui arriver. Sa simple compagnie lui avait permis de se sentir, d’une certaine façon, plus propre, ranimé. Et pourtant cette sensation le replongeait dans les ténèbres, dans ces galeries de chair déchirée et de membres tordus. Trouver un sens à tout ça… c’est là que résidait le défi. Témoigner de ces morts sans être brisé par leur poids. Il n’y avait aucune raison pour qu’il soit encore en vie, en un seul morceau. Soudain, Tom se rend compte qu’il pleure. Il pleure pour les hommes fauchés à sa gauche et à sa droite, alors que la mort ne manifestait pour lui qu’indifférence. Il pleure les hommes qu’il a tués. » 

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