Suzon, Louise Bachellerie

Suzon, Louise BachellerieSuzon, Louise Bachellerie, Delpierre éditions, 21 Mars 2014, 429 pages

En guise de préambule, un petit mot sur les éditions Delpierre :
Voici un nouvel éditeur dans le paysage littéraire français qui propose une approche audacieuse du métier puisque, contrairement à la majorité des éditeurs qui sont spécialisés dans un genre, ils ne veulent rien s’interdire et vont publier aussi bien des policiers que des sagas historiques, des B.D ou documents… Leur catalogue 2014 donnera jour à la parution d’une dizaine d’ouvrages.
Ne vous arrêtez pas à la couverture du livre qui donne une image fausse du roman. On a l’impression qu’on va avoir une histoire de duchesse or ce n’est pas du tout l’esprit. Sur mon Service Presse (une épreuve non corrigée que les éditeurs envoient parfois aux professionnels du livre), la couverture était tout à fait différente et beaucoup plus dans l’esprit du livre à mon avis…

Résumé de l’incipit :

Difficile de faire un résumé un tant soit peu concis de ce pavé romanesque tant les aventures de notre héroïne Suzon sont multiples et pour notre plus grand plaisir imprévisibles.
Je me concentrerai donc sur le début du roman qui est déjà très prometteur.
Suzanne depuis toute petite cultive le goût de la différence. De nature rebelle elle n’aime pas suivre les sentiers tout tracés. Sa mère est morte en couches, sa belle-mère ne l’aime guère tout comme son père qui déplore le fait d’avoir eu une petite diablesse pour enfant. Il va avoir l’occasion de l’éloigner en la plaçant au couvent des Ursulines où elle sera bien souvent punie et mise au ban en cette fin XVIIème. Malgré l’extrême sévérité des Soeurs et leur manque d’égards, Suzanne n’y sera pas malheureuse car elle y fait une rencontre tout à fait déterminante : Ederna, jeune aristocrate originaire de Saint-Malo. Suzanne ne se lassera pas d’écouter les récits maritimes d’Ederna. L’appel du large se fait très tôt sentir. Les jeunes filles deviennent inséparables mais Suzanne, à trop titiller les Soeurs, se voit définitivement exclue. Elle retourne dans sa famille qui lui fait un bien piètre accueil. Elle s’occupe de la marmaille jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse d’Antoine Carreau, chevalier de Léré qui va l’initier aux plaisirs charnels avant de l’épouser. Pourtant Suzanne, contrairement à Ederna, ne caressait pas le désir de prendre époux et de fonder une famille. Son destin va connaître son premier revers : Antoine fraîchement marié va perdre la vie au cours d’un duel. Suzanne s’enfuit alors et va se réfugier dans la malouinière de la famille d’Ederna comme cette dernière l’avait enjoint à faire. Elle y est bien accueillie par Ederna et son frère Elouan. Et c’est là-bas, au port de Saint-Malo qu’elle va enfin concrétiser son rêve : prendre le large en embarquant sur un voilier : « La Badine » que dirige le capitaine Thomas Radiquel, un homme déroutant…
Bien évidemment en ce début XVIIIème siècle, une femme ne saurait embrasser une carrière de marin. C’est déguisée en homme que Suzanne peut accomplir sa destinée.
C’est pour elle le début d’une longue série d’aventures et mésaventures sur terre et sur mer qui la mèneront jusqu’en Amérique. Alors qu’elle est encore jeune au terme du roman, on a l’impression que Suzanne ou « Suzon claque-dents » a vécu mille vies et toujours avec fougue et panache.

Mon avis :

 Louise Bachellerie nous offre un roman historique absolument passionnant. Après les quarante premières pages, j’ai été happée par les aventures incroyables que connait Suzanne et n’ai pu lâcher le livre moi qui ne suis pourtant pas une dévoreuse de romans historiques. L’intérêt de Suzon est multiple : le caractère affirmé de l’héroïne à laquelle le lecteur s’attache, ses nombreuses péripéties qui rendent le récit tout simplement haletant, l’art de l’auteure à dépeindre le XVIIIème qui fait de ce roman un livre bien documenté et riche nous donnant à voir ou à revoir la traite négrière, le commerce triangulaire, l’art de la navigation… C’est tout un monde disparu que convoque Bachellerie : les codes et usages de cette société en mutation, les discours des philosophes aussi récriés qu’éclairés, on y croise Montesquieu, Voltaire, on redécouvre Saint-Malo, Paris et l’on constate avec amusement qu’il faut une semaine à Suzanne pour rallier ces deux villes.
En bref, Suzon est un roman tout à fait savoureux, plaisant à lire et enrichissant qui nous permet de nous glisser dans la peau d’une héroïne particulière tantôt féminine, tantôt masculine. Et, malgré quelques inévitables répétitions dans certains choix lexicaux, l’on peut souligner la maîtrise de l’auteure à restituer la langue d’époque garantissant une immersion totale dans cet univers XVIIIème !
A noter également qu’avec ce roman, l’écrivaine inaugure le début d’une saga historique qui fera la part belle aux femmes, d’ailleurs, ces romans prendront pour titre un prénom féminin… A surveiller !

Voici un extrait où Suzanne soumet son souhait à Elouan de prendre la mer :

« _ Quelle folie vous êtes-vous mise en tête ?
_ De faire la course sur les mers !
_ Vous ambitionneriez d’être corsaire ?
_ Je ne suis peut-être à vos yeux qu’une faible femme qui s’égare, mais depuis que mes jambes me portent, j’ai rêvé d’un autre destin que celui que la Nature et la société m’ont prescrit. J’aime la mer, monsieur et j’admire le courage des hommes qui la défient.
_ Vous n’imaginez pas combien la mer peut être dangereuse, puisque vous ne la connaissez point et n’avez jamais navigué ! Et vous ne pouvez pas savoir que le courage n’y est point suffisant…
_ Je suis sûre de cette vocation !
_ Vous ne convaincrez jamais un armateur, ni un capitaine, de vous prendre sur un navire : on n’y prise pas la présence des femmes, et une femme serait en grand danger si elle bravait l’interdit !
_ J’ai hérité de mon époux assez de fortune pour armer un navire… Et je suis sûre de pouvoir abuser un capitaine, comme je vous ai abusé, dans la tenue que vous m’avez vue lors de notre première rencontre !
_ Et quels seraient, dites-moi, votre grade et vos attributions sur le bateau que vous pourriez armer ?
_ J’en tomberais d’accord avec le capitaine…
_ A condition qu’un capitaine acceptât de commander un navire dont l’armateur serait inconnu et de faire une course sans être assuré d’y gagner un peu…
_ On dit que les galions des Espagnols regorgent d’or… » 

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  1. Anne-Marie Alliot-Schaettel dite Louise Bachellerie
      • Anne-Marie Alliot-Schaettel dite Louise Bachellerie
  2. gawron marie

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