L’oeil du prince, Frédérique Deghelt

l'oeil du princeL’oeil du prince, Frédérique Deghelt, J’ai lu, paru le 3 Septembre 2014, 382 pages.

Frédérique Deghelt est l’auteure du magnifique roman La grand-mère de Jade (à découvrir absolument !) et de La vie d’une autre porté à l’écran en 2012 par Sylvie Testud (comédienne, écrivaine et réalisatrice) avec Juliette Binoche et Mathieu Kassovitz.

Mon résumé :

Comme le titre ne l’indique pas, L’oeil du prince est un roman choral mettant en scène plusieurs personnages qui se retrouvent sur le même arbre généalogique que l’auteure a fait figurer en guise de prologue.
Cinq chapitres. Cinq voix. Cinq histoires singulières dont les ponts se dessinent peu à peu.
Autant de lieux et d’époques.
C’est la jeune Mélodie qui ouvre le bal. C’est une ado passionnée de jazz et de cinéma vivant à Cannes dans les années 80. Cette année-là, elle a son sésame pour assister au festival de Cannes. Ce ne sont pas les paillettes et les célébrités qui l’attirent, contrairement à ses parents, mais le fait de s’immerger dans d’autres mondes qui la transportent par le biais du cinéma et de la musique. Elle abhorre la riche oisiveté de ses parents et de sa ville qu’elle rejette depuis peu au profit de cette évasion personnelle qu’elle nous transmet par le biais de son journal intime.
Ensuite, dans les années 60, arrive un jeune homme, Yann, d’origine française, il vit à New York mais va bientôt entamer un périple salvateur le conduisant à rejoindre une vague connaissance en Caroline du Nord : un homme qui vit simplement, en communion avec qui il est et le lieu qui l’entoure. Pour Yann, ce départ ressemble davantage à une fuite en avant. Il vient de subir une terrible tragédie : sa compagne enceinte de huit mois est décédée ainsi que le bébé, le laissant désespérément seul et démuni.
Puis, nous faisons un bon en arrière aux côtés d’Alceste et d’Agnès (deux faux noms empruntés pour leur sécurité) : deux résistants de la seconde guerre mondiale dans un Paris occupé où il faut se méfier de tous, où s’approvisionner demande un effort permanent, une imagination renouvelée. Tous les deux s’envoient régulièrement des lettres, évoquant leur combat, leur engagement au quotidien mais encore leur espoir d’un meilleur avenir, leurs doutes et leurs peurs. Peu à peu, ils se révèlent l’un à l’autre et le ton se fait bien plus intime et complice.
De retour dans les années 80, à San Francisco, nous découvrons Benoît, musicien de renom, père de deux enfants, marié à une femme qui lui échappe chaque jour un peu plus. Perdu dans la ronde de ses sentiments troubles, il recroise Yann, (que nous connaissons), un ancien camarade à lui. Les retrouvailles sont chaleureuses. Les deux hommes se revoient. Yann est, de son côté, tombé follement amoureux d’une française alors que Benoît s’épanche peu sur sa déroute conjugale…
Enfin, dernière pièce du puzzle. Anna a vieilli. Bien que cela l’attriste, elle sait qu’elle est perçue telle une vieille dame, ce qu’elle est désormais.
Autrefois parangon de la mode, elle se réfugie désormais dans son passé et retrace ainsi son histoire, son enfance marquée par l’absence, ses deux amours, ses relations plus ou moins épanouies avec ses trois enfants et ses petits-enfants. Elle est la dernière voix qui clôt le roman et l’éclaire en comblant tous les blancs de ce fameux arbre généalogique.

Mon avis :

Une construction subtile  pour un roman des plus réussis. Cinq personnages attachants, cinq parcours singuliers, cinq voix et modes de narration qui viennent s’imbriquer dans une histoire plus grande parlant avant tout des passions, des choix de vie, de l’amour, de la filiation avec beaucoup de vérité. Le ton est à chaque fois juste. L’on peut évidemment préférer un chapitre à un autre mais ce qui est saisissant, c’est que l’auteure a construit son roman d’une manière unique, en livrant les clés pour relier le tout, de manière subtile et différée. A la fin du livre, avec un peu de recul, nous pouvons admirer le portrait dans son ensemble qui prend alors toute sa dimension dans l’espace et le temps.
SUBLIME !

Je vous livre un avant-goût de cette si belle lecture :

   « Avant, je ne savais pas que tout peut s’arrêter. Parce qu’il ne faut pas se leurrer : tant qu’on ne l’a pas expérimenté dans sa chair, on a beau vous l’avoir dit et répété, c’est impossible d’y croire. Aucun homme normalement constitué ne se lève le matin en se disant que sa femme va mourir alors qu’elle a vingt-cinq ans et qu’elle est enceinte de huit mois. Personne ne peut vous enfoncer dans le crâne qu’un jour d’une semaine banale toute votre jeune vie, qui en est à son commencement, va basculer dans un vide proche d’une certaine fin. Combien de fois depuis me suis-je demandé ce que j’aurais pu faire pour que les choses arrivent autrement ? L’accompagner en voiture, une heure plus tard, quand je n’étais plus au téléphone ? Ne pas lui prendre ses clés la veille, qu’elle a cherchées pendant un quart d’heure avant de partir ? Que se serait-il passé alors ? Aurais-je entravé le cours des choses ? Serait-elle morte quand même un peu plus tard ? Dans d’autres circonstances parce que le destin doit s’accomplir quels que soient les événements ? Serais-je mort avec elle dans cette voiture, fauché par un autre conducteur ivre mort ? Serais-je mort à sa place ? Ceux qui pensent que notre vie a un sens au milieu de toute cette folie sont dans l’erreur, ou alors il faudrait qu’ils aient de sérieuses explications un peu moins aléatoires que celles qu’ils nous fournissent aujourd’hui.
Cette existence que je n’ai pas su abandonner ne tient qu’à un fil… Mais de quoi est-il tissé et à quoi est-il rattaché ? »

 

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