Le secret de la manufacture de chaussettes inusables, Annie Barrows

secret manufactureLe secret de la manufacture de chaussettes inusables, Annie Barrows paru chez Nil le 11 Juin 2015, traduit de l’anglais par Claire Allain et Dominique Haas, 617 pages.

Annie Barrows a travaillé aux côtés de sa tante sur le manuscrit Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates qui fut un énorme succès de librairie autant en poche qu’en grand format.
Voici donc son premier roman écrit seule.

L’histoire :

Nous sommes dans la petite ville de Macedonia en 1938. La jeune Leyla Beck, parce que ses choix semblent heurter les valeurs bourgeoises de sa famille, se voit contrainte de subvenir à ses propres besoins au moyen d’un travail qu’elle prend à contrecoeur. Il s’agit d’écrire pour l’anniversaire de cette bourgade une sorte de brochure historique. Layla va loger le temps d’un été caniculaire chez les Romeyn, une charmante famille qui, peu à peu, s’ouvre à elle. Il y a les deux fillettes : Bird et Willa dont les parents ont divorcé et qui ne voient pratiquement jamais leur mère. Elles sont principalement élevées par leurs tantes car leur père, affectueux, a l’air d’apparaître puis de disparaître très régulièrement.
La famille Romeyn est par ailleurs l’ancienne propriétaire de la fabrique de chaussettes, la seule usine et principale source de travail de la ville. Jadis elle a en partie brûlé dans un mystérieux incendie criminel. Layla va à la rencontre des habitants, des quartiers afin de reconstituer l’histoire de la ville. De plus en plus intriguée, elle ne tarde pas à tomber sous le charme du père des fillettes.
Or l’aînée des filles, Willa, qui cultive un don pour espionner et en a assez de voir les adultes abriter des secrets, va mettre son nez partout afin de résoudre elle-même les nombreuses énigmes familiales.

Mon avis :

Annie Barrows met au service de cette somme romanesque une érudition de vocabulaire, un style travaillé dans ce récit entrecoupé de quelques lettres.
Le lecteur partage l’intimité de plusieurs des personnages principaux et ce changement de point de vue narratif est rafraîchissant. Ce n’est que progressivement que les véritables enjeux de ce roman se trament. Il faut avancer assez loin dans la lecture pour appréhender tous les liens entre les personnages ce qui est quelque peu dommageable. Le roman aurait gagné en intensité à être plus rythmé même si cela colle plutôt bien à la touffeur pesante de cette chaleur omniprésente. La fin est plutôt intéressante quoique un peu rapide comparée au reste. Les sentiments et le ton sont justes, ce qui rend la lecture, non pas addictive, mais distrayante grâce aussi aux beaux portraits des personnages.

Un extrait qui nous plonge dans les pensées de la jeune Willa :

« Ce serait tout bénéfice.
Mlle Beck serait conquise par mon travail acharné, et bientôt, elle me révèlerait son passé secret (potentiellement royal). A moi, et à moi seule, elle dévoilerait la vérité sur la demeure familiale grandiose, sa jeunesse choyée, la manière dont son père avait perdu sa fortune lors du krach. A moins qu’elle ne se soit enfuie de chez elle ! Tout était envisageable. Je lui prêterais mon mouchoir pour qu’elle sèche ses larmes, lui offrirais des conseils de la jeunesse, et nous deviendrions amies – ou aussi amies qu’une dame comme elle et une enfant comme moi pouvaient l’être. Et surtout, pour la toute première fois : je serai celle qui sait ce que les autres ignorent. Mais je n’en parlerais à personne. Je serais muette comme une tombe.
Mlle Beck ne sortait toujours pas de sa chambre. Comme je commençais à avoir des fourmis dans les fesses sur la marche de l’escalier, je décidai de descendre manger un peu en l’attendant.
La porte de derrière était ouverte sur la fraîcheur du matin. J’engloutis mon petit déjeuner à côté de Jottie qui buvait son café et lisait le journal en commençant par la dernière page, comme à son habitude. Ma dernière goutte de lait avalée, je m’essuyai la bouche avec ma serviette.
« Tu penses que Mlle Beck va mettre son tailleur blanc aujourd’hui ? » la questionnai-je.
Un coin du journal s’abaissa et Jottie m’adressa un clin d’oeil.
« Non. Une robe jaune à col carré. Très jolie. »
Elle était déjà descendue et partie. Jottie ne savait pas où. Ni quand elle rentrerait. Mon plan avait été déjoué. »
 
 

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