Berlinoise, Wilfried N’Sondé

berlinoiseBerlinoise, Wilfried N’Sondé, paru le 7 Janvier 2015 chez Actes Sud, 172 pages.

Wilfried N’Sondé est chanteur et musicien et vit entre Paris et Berlin. Il a déjà publié trois romans chez Actes Sud : Le coeur des enfants léopards qui a reçu plusieurs prix, Le silence des esprits et Fleur de béton.

Mon résumé :

Stan et Pascal, deux parisiens, l’un anciennement professeur, l’autre banquier, tous deux passionnés de musique rock, quittent leur conformisme petit-bourgeois pour gagner Berlin en ce réveillon 1989 fortement marqué par la chute du mur. Dans cette ville en liesse, Stan va vite tomber sous le charme de la jeune et pétillante Maya aux yeux vairons. D’un regard qui l’envoûte, Stan accepte de passer le réveillon avec elle. Hypnotisé par cette jeune femme énergique, il décide, ainsi que son ami Pascal, de rester à Berlin.
L’amour, qui s’apparente à un coup de foudre, entre Stan et Maya prend la forme d’une passion sensuelle, érotique et intellectuelle. Mais il va rapidement subir ses premiers assauts.
En effet, Maya est une personne engagée politiquement se révoltant contre la violence des groupes néonazis qui se multiplient après la chute du mur. Elle s’indigne contre la haine raciale et la violence à l’encontre des étrangers tant dans les discours que dans les actes qui prolifèrent à Berlin à cette période. Elle devient de plus en plus perturbée, instable. Et c’est bientôt Stan qui en subit le contrecoup comme s’il était lui aussi responsable du dérèglement de Berlin. Maya la libertaire, l’artiste, la révoltée perd pied dans son monde peu à peu. Stan, impuissant, toujours amoureux, saura-t-il l’apaiser et lui redonner goût au petits délices du quotidien ? Comment faire face à un tel naufrage ?

Mon avis :

Berlinoise offre une très belle histoire d’amour pleine de sensualité ancrée dans une période charnière emplie de rebondissements et de chaos. C’est un nouveau monde que voit naître Berlin mais cela ne se fait pas sans heurts. La langue de N’Sondé est envoûtante, elle nous entraîne dans un sillage de poésie. Elle fait vivre Berlin _ un poumon au coeur du roman_ mais encore la nature environnante, les saisons. C’est un livre de sensations et d’impressions également grâce à la plume délicate de Wilfried N’Sondé. L’auteur joue entre deux temporalités : le présent qui montre Stan, Pascal et Clémentine (la colocataire de Maya) dans une position d’attente dangereuse, tapis dans l’ombre (on ne sait pas exactement le motif de leur présence mais l’on se doute que la raison en est politique) et le passé proche qui revient sur leur arrivée à Berlin et les débuts de l’histoire amoureuse de Stan et Maya. Cette alternance temporelle accentue la tension dramatique du récit qui se déploie avec grandeur et majesté.
Un très beau roman que ce Berlinoise !

Un extrait où se dévoile cette belle écriture sensuelle :

« Maya, nos folies aux premiers jours de janvier 1990, nous venions juste de nous rencontrer et j’avais déjà atteint le point de non-retour. Tu m’as pris par la main pour une escapade plein sud dans le secteur américain.
Maya, le souvenir, les tilleuls de Dahlem, les parfums tièdes là où commence ton cou et la courbe magnifique jusqu’à ta bouche. Seuls. L’étendue gelée, blanche et solitaire, les sourires dans la neige, le crissement sous nos pas, l’ombre d’une voûte de branches pliant sous le poids de minces cristaux de glace. Mes lèvres rencontrent les tiennes, pression de velours humide, torride. Tu m’entraînes vers le tumulte, aller jusqu’au bout, nous roulons collés l’un à l’autre et les images s’enchaînent. La course coupe le souffle, les doigts mêlés, la tête penchée pour éviter les feuilles, tes joues froides, dessus les perles d’eau, les étincelles au fond des yeux. Immobiles un long moment puisqu’il faut graver l’instant au plus profond des regards, ne rien perdre du délice, tu es belle ! Puis mes mains qui progressent jusqu’aux épidermes fragiles, tendres, mouillés en dessous, profond. Le mouvement toujours, l’ardeur encore et encore, happer l’ensemble de ton visage, ta langue jusqu’au palais. »

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